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Vues et vécus en Algérie et ailleurs. Forum où au cours des jours et du temps j'essaierai de donner quelque chose de moi en quelques mots qui, j'espère, seront modestes, justes et élégants dans la mesure du possible. Bienvenue donc à qui accède à cet espace et bienvenue à ses commentaires. Abdelmalek SMARI

Une nouvelle de Sami Habbati (5 et fin)

الحدث

قصّة قصيرة : سامي حبّاطي، الجزائر

 

 

"Qui, dans un art, devient maitre, il peut sans problème en oublier les règles."

Arturo Graf 

 

 

Une autre anomalie est la ponctuation…

Pourtant nos ancêtres (culturels) ont eu un grand apport dans l’invention de ces outils dont l’écrit ne peut plus se passer s’il veut être compris et entendu.

Essayez de mettre un point interrogatif à la place d’un point exclamatif… essayez de mettre la virgule, le point, les points de suspension… là où ça vous chante, sans consulter le texte et prendre en considération ses exigences… vous créerez tout sauf un texte…

Malheureusement, aussi bien nos éditeurs que nos écrivains, nos journalistes et mêmes nos scientifiques (ce qui est un crime odieux) ne savent pas ce que ponctuation veut dire ni à quoi cela puisse servir.

Car il n’y a pas que le caractère arabe - qui nous rende impossibles et souvent difficiles et inutiles nos lectures - mais il y a aussi l’absence d’une bonne ponctuation bien adaptée aux différentes particularités du discours que nous produisons.

Essayez par exemple de lire (معركة الزّقاق) de Rachid Boudjedra dans sa version arabe et celle (le même roman) en version française.

Outre aux deux anomalies citées plus haut (vocalisation et ponctuation) qui pullulent dans son texte arabe, il nous a servi la merde à boire avec ses longues tirades infinies où l’on ne voit pas - même à les payer rubis sur ongles – l’ombre d’un point ou d’une virgule !

Le sadique !

Si vous allez voir son texte en français, vous y verrez la même absence de la ponctuation… mais vous n’allez pas pour autant vous perdre dans les labyrinthes créés ad hoc pour emmerder le lecteur…

Non, le lecteur français n’a pas souffert de ce sadisme chantageux de Boudjedra, car son éditeur est là à veiller sur la clarté de la langue française et la dignité des lecteurs français.

L’éditeur français n’a pas permis à Boudjedra d’emmerder la langue française, comme il l’a fait avec sa langue (presque) mère.

Là, notre « provocateur » Boudjedra n’a pas eu grand-chance (plutôt aucune, même par plaisanterie) de faire le beau, de faire montre de son caractère de capricieux provocateur.

Il n’y a pas place pour ses expérimentations puériles et inutiles, voire vexatoires.

Là, il a été sommé de signaler le début de la phrase par une majuscule. La majuscule successive nous informe de la nouvelle phrase et ainsi de suite.

Et ce n’est pas parce que cette langue, le français, l’exige (l’arabe aussi d’ailleurs exige qu’on l’écrive avec clarté), mais parce que l’Editeur français le refuse catégoriquement ; contrairement à l’Editeur arabe qui s’était montré stupide, vaincu et lâchement négligeant, méprisant sa propre langue.

Mais puisqu’en arabe, il n’y a pas de majuscules, Boudjedra n’a pas daigné penser supprimer cet obstacle artificiel (en a-t-il le génie, d’ailleurs ?!), obstacle qu’il a créé sadiquement pour se foutre du lecteur arabe, et masochiquement pour se faire tourner en bourrique (?!)

J’ai traduit ce texte en italien… il en fut sorti un texte de merde, un bloc d’idioties et de laideurs… j’ai dû recourir à une langue étrangère, au texte français, pour déchiffrer facilement ce que ma langue mère m’a refusé d’offrir – par Boudjedra interposé !!!

Voilà pourquoi je souhaite tant que nos jeunes écrivains ne tombent pas dans ce piège que leur tendent la médiocrité et la paresse mentale, piège qui ferait d’eux tout sauf des écrivains ou des artistes.

Etre original ne signifie pas être ésotérique…

Etre original c’est être le plus simple possible…

Pensez-vous que le monde était plus simple avant Newton, Einstein, Pasteur ou Heisenberg ?

Non, pas du tout.

Bien au contraire, le monde est plus simple après le passage de ces génies, grâce à leur langage limpide et honnête.

Et je ne pense pas que le style ésotérique et point original de Boudjedra ou celui de son maitre Saramago puissent nous épater plus que le style de ces grands scientifiques.

Pour connaissance, savez-vous que Claude Bernard consultait le grand Littré, son contemporain, avant de choisir ses mots pour les appliquer à ses concepts ?

Mais les Boudjedra se considèrent plus malins que les Newton, Einstein, Claude Bernard ou Heisenberg.

Et à nous, il ne nous reste qu’abdiquer !!!

 

Un autre mot pour notre jeune auteur, Sami Habbati

Que le lecteur ne m’accuse pas de purisme (argumentation ridicule qui équivaut à celle de complotisme) ou de chauvinisme pour la langue arabe, car j'aime toutes les langues et j'aimerais qu’elles soient bien traitées.

Aussi voudrais-je  que les Algériens, surtout, aient cette bonne qualité, car c’est honteux de voir la crème de nos intellectuels faire des erreurs d’enfants imbéciles, des erreurs bêtes !!!

Cher lecteur, si tu voyais comment les Italiens connaissent leur langue et combien ils la chérissent (malgré le cancer des anglicismes)... ils sont enviables !

Je m’excuse d’utiliser un langage cru (bien que je l’assume, puisque je l’utilise comme langage justement, même s’il a l’habit et l’apparence des insultes)... c’est que je compte secouer les paresseux et embêter les philistins.

Et puis, il y a une autre raison, d’ordre philosophique, celle-ci : le langage devrait être libre et utilisé dans toute son infinie richesse de sons, de sens, d’images et de nuances.

Bien sûr, les génies te peuvent dire des choses extrêmement complexes en peu de mots et dans des formules très simples et terre à terre : avec trois mille mots – dit-on – Jean Racine avait écrit toutes ses tragédies !

Mais moi, je ne suis pas un génie... alors je dois continuer à abonder dans mon langage, faute d’être un bon économe de paroles.

Ne crois pas que je le fasse par méchanceté, je le fais seulement par souci d’exprimer ce que je vois et ce que je sens...

Je n’aime plus le langage de faux et doux prêtres ou imams. Face à la médiocrité qui nous ronge l’âme et la dignité, il faut de la vigueur... ارخف علي الدّيس يعطبك ... pour celui qui aime les dits populaires...

De toute façon j’ai bien apprécié l’écriture de notre jeune journaliste, car elle fait réfléchir et secoue les méninges en poussant le lecteur à mettre de l’ordre dans sa propre raison.

Je crois que le bon écrivain est celui qui est capable de telles prouesses chez celui qui le lit.

Je le conseille d’être critique envers soi-même et de ne jamais dédaigner l’avis des autres, même s’il lui semble déplaisant.

Quant à faire des fautes, c’est humain ; même un Voltaire ou son Louis XIV, même Marie Antoinette et Flaubert, même Shakespeare ou Mitterrand ont fait des fautes !

Ces grands et à la fois fauteurs pourraient eux aussi dire à leurs critiques, comme notre Egyptien et présumé poète, qu’ils se foutaient éperdument de la grammaire et de l’orthographe ; par contre, devant les règles de leurs langues, ces grands n’eurent que respect pour ces règles.

En tous les cas, moi, je n’ose pas écrire en faisant des fautes... exprès.

Si je les fais – et j’en fais – c’est que je suis en faute... et j’ai le devoir de les corriger. Jamais je n’oserai défendre mon ignorance, lui trouver une justification ou l’excuser.

Il m’arrive parfois de créer des néologismes, mais seulement quand la langue à ma disposition (italienne, arabe ou française) ne m’est plus d’aucun secours.

Faire des fautes et me justifier lâchement, comme le ferait notre ami, le poète de l’Egypte, faire des fautes par stupidité ou ignorance et les défendre au nom du génie ou de la poésie, ce n’est pas digne d’un artiste qui devrait être intellectuellement honnête.

C’est ce que je crois et ce que je défends.

Mais quand on fait les fautes sciemment, par mépris, pour avilir la langue, c’est tout simplement de la délinquance.

Je dois savoir un grand gré à Sami Habbati dont j’ai utilisé le conte الحدث comme prétexte pour parler de ce fléau.

Enfin un mot pour finir avec un arrière goût d’espoir et de douceur ; après tout, il n’y a pas que de la médiocrité dans notre monde, heureusement.

J’ai découvert, voilà des années, un certain Ibrahim El Ariss. Il écrit sur Al-Hayat, un quotidien saoudien qui sort à Londres.

C’est un grand seigneur de la critique littéraire et artistique... je n’ai pas encore trouvé mieux que lui.

C’est un régal... il me fait penser à Taha Hussein, Al-Aqqad et aux autres géants de notre littérature arabe.

Il ne fait pas de fautes. Il invente les paroles très arabes. Il est clair, profond, élégant (son style) et touche-à-tout.

Le seul hic, est qu’il défend les bédouins (qui l’emploient, malheureusement) contre lesdits communistes... mais ça – comme il le dit souvent lui-même -, c’est une autre histoire… c’est de l’idéologie...  القمر فيه لو لا comme disait ma tante.

Et puis un homme comme lui, savant, sensible, intelligent et juste critique peut se permettre de déraisonner parfois… « semel in anno lecit insanire », comme disaient les latins.

En Algérie ?

Je cite le cas du docteur Salim Kellala. Il n’a pas les mêmes champs de connaissances et d’art que monsieur Al-Ariss, mais sa connaissance de la langue qu’il utilise (l’arabe) est de la même grandeur et de la même qualité.

Il honore cette langue et la littérature algérienne et soi-même.

 

Abdelmalek Smari

 

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