Vues et vécus en Algérie et ailleurs. Forum où au cours des jours et du temps j'essaierai de donner quelque chose de moi en quelques mots qui, j'espère, seront modestes, justes et élégants dans la mesure du possible. Bienvenue donc à qui accède à cet espace et bienvenue à ses commentaires. Abdelmalek SMARI
A travers les reflets de la vitrine, Ahmed distingue la silhouette d’une jeune femme assise sur un tabouret haut qui
regarde droit devant elle. De temps en temps il aperçoit quelque silhouette qui s’approche ou s’éloigne de la jeune femme : un client qui vient d’entrer ou un autre qui règle son compte et
sort.
Ahmed rentre à son tour.
L’endroit est exigu, mais suffisamment organisé. On voit ça et là, encadrées et accrochées sur les murs, des feuilles de
règlements, une copie de la licence commerciale, un certificat professionnel, quelques posters figurant des fleurs et des plages tropicales, et même la photo d’un enfant.
avec un « Bon jour ! » souriant, Ahmed a répondu au salut de la jeune fille puis il se met à attendre son tour.
La gérante est encore engagée dans une conversation avec une vieille cliente : celle-ci est en train de lui dicter le numéro de téléphone, l’adresse et autres informations que nécessite l’envoi d’un mandat à son pays.
La vieille dame servie, la jeune fille se tourne vers Ahmed qui lui dit : « Je suis à la recherche d’un
téléphone, le mien a quelques problèmes. Bien entendu, je ne voudrais pas dépenser le peu d’argent que j’ai épargné cet été... Mais, si tu peux me réparer l’ancien, ce sera encore mieux pour moi
... Je suis nouveau ici et je n’ai pas encore un boulot.
« Fais voir un peu. »
Tandis que la jeune fille démonte l’appareil, Ahmed lance : « Comment vont les affaires ici ? c’est tranquille ? pas de problèmes ? »
« Comme-ci comme-ça ; disons que c’est pas terrible quand-même… seulement les gens ici sont un peu fermés. Parfois nous avons comme l’impression d’être dans un centre de
détention ; ce qui est ici reste ici, la marchandise, tu vois ce que je veux dire? Et notre commerce étouffe à cause de cette exclussion (comme ses compatriotes hispanophones, il
lui échappe parfois de prononcer S au lieu de Z). Et comme si ça ne leur suffisait pas, ils nous font une très mauvaise publicité à l’extérieur. De ce côté-là c’est terrible, mais que voulez-vous
on est dans leur pays. »
« Et qu’est-ce qu’elle dit cette mauvaise publicité ? » Ahmed est à son aise…
« Des choses pas réelles. Les gens croient à tout ce que leur raconte le télé journal, la télévision en général... Si nous sommes seulement toi et moi, alors nous pouvons facilement nous
mettre d’accord, mais il s’agit ici d’un bazar de nations, je ne sais pas si je me suis assez expliquée... »
Elle le veut solidaire et Ahmed le lui démontre avec son regard et son hochement de tête. Il lui a été tout yeux et oreilles pendant qu’elle manipulait les viscères de son pauvre téléphone.
« Mais, ajoute-t-elle, à part ça, la responsabilité incombe surtout, surtout, à la municipalité qui nous a laissés tomber. Tiens, moi par exemple, j’avais la banque ici à Porto Recanati, maintenant je l’ai à Macerata! Le directeur a eu peur pour la réputation( !) de sa banque et il m’a demandé de fermer le compte. J’avoue qu’il a été assez honnête puisqu’il m’avait indiqué une autre banque, pas mal, à Macerata. »
D’un coup de tête, elle rehausse sa chevelure qui lui couvrait les yeux et ajoute : « Ecoute, il est possible
de réparer ton téléphone, si tu me le laisses bien sûr... Demain, je vais aller justement à Macerata. J’essaierai de lui trouver une nouvelle batterie... il sera prêt pour
après-demain. »
Un garçon, gros gaillard, pousse la porte vitrée et rentre. "Il doit être péruvien, pense Ahmed."
Il est habillé à la mode des rappeurs: casquette blanche de marque, pantacourt Jeans large que couvre une shirt sportive blanche non moins ample et des basquettes blindées de couleur blanche immaculée. Il a un trousseau de clefs dans sa main, des bagues et autres chaînes avec des croix de cuir et de métal brillant.
« Holà Frida ! » grommèle-t-il sans sourire.
« Dieeego ! » Et sans éteindre son sourire, la jeune fille dit à Ahmed « Cossi, n’est-ce pas ? et ajoute : « Bene, à après-demain,
donc ! »
« Au revoir. » dit Ahmed et sort tout en pensant "Frida ! Joli nom et jolie fille ! elle ressemble à une arabe par son nom et par sa beauté surtout. Quelle chance d’être à
Porto Recanati !"
A suivre
Abdelmalek Smari