Vues et vécus en Algérie et ailleurs. Forum où au cours des jours et du temps j'essaierai de donner quelque chose de moi en quelques mots qui, j'espère, seront modestes, justes et élégants dans la mesure du possible. Bienvenue donc à qui accède à cet espace et bienvenue à ses commentaires. Abdelmalek SMARI
Et il sut de quelles douleur la vie est faite et de soif
et naquit en lui la compassion envers le cerf et le chasseur,
envers le voleur et le volé
envers l'oiseau effrayé
envers l'autour sanguinaire.
Antonio Machado
« Soledades » - Le poète
L'après Oum Dourman, ou une autre recette pour faire la fête
Ce qui est en train de se passer aujourd'hui en Algérie et en Egypte, depui la fameuse rencontre au Cairo Stadium, n'est pas un mal. Mais si mal il y a c'est l'instrumentalisation de ce match derby par les mass média en mal de vendre et surtout par nos réciproques gouvernants en mal de légitimité politique. Quant à l'aspiration du citoyen lambda à la fête, elle n'est que l'expression d'une authentique joie collective, rare et précieuse comète qui ne retourne qu'une fois tous les cinquante ou soixante ans. Cette fois la chance a souri aux Algériens...
Et puis l'important pour berbericus lambda est qu'il n'affranchisse pas ses marchandises (espèce et nature) aux douanes et qu'il ne paie pas le loyer à l'O.P.G.I., les impôts au fisc, la facture à la Sonelgaz ou à l'Algérienne des eaux. Eh oui, parfois il suffit de ce peu de choses pour rendre nos citoyens heureux et surtout un peu plus patriotiques que d'habitude.
Toutefois ce bonheur et ce patriotisme ne peuvent jamais rivaliser avec ceux montrés lors et après les journées de Oum Dourman au Soudan (pays, pourtant, ex 1er exportateur de fanatisme religieux en Algérie) qui est devenu par la baraka du Cheikh Saadane un pays frère par excellence, algérien, algerinissimo même!
Malgré cette joie, il ne faut pas qu'on oublie les 24 personnes mortes... de joie! Un tel jeu, vaut-il vraiment un tel sacrifice? Mourir pour avoir droit à une fête? Voilà ce qui relève de l'absurde! Un absurde aussi lisse et poli qu'un miroir tout neuf!
« De par le monde, la qualification d’une équipe de football au Mondial est un grand événement national. Le football est devenu le sport fétiche de tous, même les Américains se mettent à jouer au « soccer ». Les Algériens ne font pas exception à la règle. L’explosion de joie qui a eu lieu à la fin du match est une réaction naturelle, saine. » Rachid Tlemçani - El Watan 25-11-09.
Oui c'était une joie, mais certains en ont fait une occasion pour donner libre cours à des monstres qui leur ont toujours rongé les tripes; croyant ainsi qu'ils se seraient exorcisés de tels démons de violence et de stupidité, alors qu'ils n'ont fait en réalité que donner une occasion d'or à ces monstres de faire leur office et s'acquitter de leur tâche: avilir les gens dans ce qu'il leur reste de leur humanité...
On a eu donc le loisir d'observer homo berbericus pendant qu'il exultait de joie et de délire: de celui qui plaide pour une langue nouvelle/ancienne (l'algérien), comme M. Kamel Daoud;
à celui (M. Bahmane du quotidien El Wata) qui y a trouvé l'occasion, efin propice selon lui, pour écrire une lettre ouverte au président de la république le priant, tout en croyant de le convaincre, de libérer l'audiovisuel en Algérie pour pouvoir vociférer enfin sans muselière interposée contre les adversaires de notre équipe nationale;
à celui qui s'est cru en droit de saccager les propriétés et biens des Egyptiens vivant en Algérie, pour la simple et imbécile raison(?) que quelqu'un au bord du Nil avait agressé un Algérien (comme si jamais Algérien n'avait nuit à un autre Algérien);
à celui qui nie tout rapport d'amitié ou de fraternité historiques qui lient les deux peuples et qui avaient commencé déjà avant la naissance du premier pharaonetto, qui se sont poursuivies jusqu'à Oum-Derman même et qui iront certainement au delà secula seculorum;
à celui qui réclame la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays;
à ceux qui prend pour de simples Bougnoules les descendants ou compatriotes des Pharaons, des grands Zaghloul et Nasser, des colosses de la trempe de Taha Hussein, El Akkad, Neguib Mahfouz, Oum Kelthoum, Faten Hamama, Nawal Saadaoui, Ahmed Zouil...;
à celui qui s'est mis à croire, jurant, la main dans le feu, que les grands hommes et femmes qui s'étaient accourus à instruire les hordes analphabètes de homo berbericus (ces oiseaux aux ailes éternellement cassées par l'injustice des hommes et de l'histoire), auraient été eux-mêmes des hordes analphabètes et des fanatiques… etc... etc...
Pour avoir un cadre exhaustif de cette fange d'inepties et de folies, il suffit de lire la presse algérienne qui n'a jamais été aussi vulgairement patriote.
Berbericus mérite bien une liesse...
Mais en tant qu'Algérien, j'avoue qu'une telle victoire aussi petite qu'elle me semble, ne m'a pas laissé indiffèrent: d'ailleurs si les grosses légumes (président de la république en tête) se sont grandement agités pour cette circonstance spéciale, car unique ou quasi irrépetible, figurez-vous un quidam comme moi!
J'avoue aussi que ma réaction, suite aux trois sifflets de l'arbitre indiquant la fin du suspens jusque là insoutenable et la victoire réelle de notre équipe nationale, ressemblait à une libération que seul le coït consumé peut procurer!
Au-delà de cette joie intense mais contenue, pour ce qui me regarde, je me suis senti incapable de me laisser monter la tête. Et , patience; d'ailleurs ce n'est pas la première fois que j'échoue, de cette manière scandaleuse, malgré ma persévérance, à suivre à la patte près le troupeau auquel j'appartiens.
J'avais pensé – et je le souhaitais – qu'une victoire pour l'Algérie adoucirait un peu, pour un peu de temps, les rudes mœurs de l'Algérien (barbares selon quelques Egyptiens pot-Oum-Dourman). Et j'ai souris à l'idée et la chance nous a souris.
Mais ce qui reste c'est que les Algériens ne vont pas comprendre que ce n'est là qu'un simple coït qui, à peine consumé, ne tardera pas à devenir une vanité, une autre faim, une autre soif, une autre flamme...
Bref... berbericus s'est réveillé alors un certain 18 novembre 2009 pour se découvrir un vrai watani, patriote dans le sang et la vocifération, comme ceux du même mois de l'année 1954.
Seulement, il a oublié, dans sa liesse digne d'un 5 juillet 1962 ou, mieux, dans son orgasme d'éternel frustré, que parmi les plus beaux films que sa Révolution cinquante-quattrarde avait inspiré aux maîtres du cinéma universel, il existe un certain « Djemila » d'un certain Youcef Chahine.
Un Youcef Chahine dont les veines abondaient en sang égyptien et qui avait exalté malgré ça la résistance héroïque de la femme algérienne.
Il l'avait fait avec un rare amour et profond respect pour l'héroïsme du peuple algérien. Il l'avait fait peut-être mieux que ne l'ait fait jusqu'ici aucun algérien, sédentaire ou de la diaspora; bien évidemment si l'on exclut la vie réelle de la même Djemila ou celle d'une Hassiba Ben Bouali.
Chahine était-il plus algérien que les Algériens? La question est mal posée. Chahine fut un vrai ami des amis de la liberté et de la dignité.
رجال ونساء المبادئ والمواقف
Mais, que voulez-vous? Ce même berbericus est souvent égoïste et ingrat, d'ailleurs comme le reste de ses frères les Hommes. Et cette contradiction lui est inhérente, sui generis, viscérale...
Pourquoi en est-il ainsi de l'Homme? D'abord le monde, comme il va, est lui-même plein de contradictions et de contraires. Et heureusement qu'il en ainsi de ce Monde qui, lui, pourtant sourd et indifférent, assume pleinement sa nature et n'en éprouve aucune honte ou sens de culpabilité. Et c'est justement ça qui fait sa richesse tant hosannée et convoitée. Et nous, pour ce qui nous regarde, nous n'avons que le choix de gober ce monde et voracement en plus!
Ensuite, puisqu'on est homme, fourbe et malin s'entend, on leur trouve (à ces contradictions que, à défaut, on construit de toute pièce) d'autres sens et d'autres raisons: l'utilité adaptative pour la survie.
Ainsi brandissons-nous - selon les circonstances – un pôle ou son opposé sans éprouver de gêne car rien ne vient alors nous démentir ou démontrer notre incohérence ou cynisme. Et nous sommes alors sages et bons et surtout hommes (et femmes aussi) de principes et de positions
(رجال ونساء المبادئ والمواقف).
Mais quand les deux pôles nous échappent, nous mettent en difficulté et nous chantent ou quand nous n'arrivons plus à nous en démêler, à décider ou à choisir nous versons alors dans le plus éclatant des délires, dans la plus ridicule des stupidités..
Quoi qu'il en soit, ces vociférations nous ont appris, au moins à l'auteur de ces lignes, que, outre Apulée et Saint'Augustin offerts à la littérature et à la philosophie universelles, l'Algérie avait donné à l'Egypte quelques Pharaons (en chair et en os et non en poule pharaone; en témoignent Sheshonq 1er, Osorkon 2nd ou Karomama), lui avait construit sa capitale et la première université du monde et l'avait aidé à libérer une parcelle du Sinaï.
Et l'Egypte en contre partie nous avait rendu el gamil (ayant su être reconnaissante): en plus de ses coopérants de l'Education, ils nous avaient fait cadeau des milliers de beni Hilal qui auraient rétabli quelque ordre perdu. Ordre que berbericus perd souvent comme il perd ses dents, ses cheveux et ses mémoires millénaires.
Ne parlons pas des gestes si généreux et fraternels durant notre guerre de libération et, surtout, surtout, leurs interminables et irrésistibles mousselsalate et les prêches de Kesh'k et de son successeur Omro Khaled...
Et puisque nous y sommes; notre grand révolutionnaire Boudiaf regardait avec une grande admiration le géant de la politique, Saad Zeghloul. En fait quand Boudiaf avait saisi les rênes de l'état algérien, il n'avait trouvé une expression meilleure que celle de Saad Zeghloul pour annoncer et décrire toute sa complexe philosophie politique: « La religion appartient à dieu et la patrie aux hommes! » الدّين للّه والوطن للجميع
Enfin puisse cette liesse enseigner à notre peuple, qui n'hésite pas à mourir pour nos lions et notre étendard, à suivre l'exemple de cette élite spéciale en ordre, en labeur, en honnêteté, en discipline et en propreté.
Touts comptes faits, berbericus mérite bien une liesse...
Maintenant je vous invite, cher lecteur, à lire le même discours sur cette rivalité entre Egyptiens et Algériens qui ne date pas d'Oum Dourman ou du Cairo Stadium; mais elle enfonce ses racines, selon les informations que je possède, jusqu'à l'époque des chiffres arabes (berbères?) que nos amis ou frères d'Orient refusent encore d'adopter.
Ils les refusent, alors que même un Jean-Marie Le Pen et tous les lords anglais et les mandarins chinois, les lamas des Andes et du Tibet et les ours polaires et le reste du monde entier leur ont ouvert touts grands leurs bras et leurs cœurs pour accueillir sans complexe ce fruit du génie berbère... mais glissons.. va!
Il s'agit dans ce texte de lire un chapitre de mon roman « L'occidentalista » dont je viens de terminer la traduction en langue française. Il est déjà disponible sur ce blog.
Ce lien peut vous servir: http://malikamin.over-blog.net/article-23374346.html
Bonne lecture donc et à la prochaine!
Smari Abdelmalek