Vues et vécus en Algérie et ailleurs. Forum où au cours des jours et du temps j'essaierai de donner quelque chose de moi en quelques mots qui, j'espère, seront modestes, justes et élégants dans la mesure du possible. Bienvenue donc à qui accède à cet espace et bienvenue à ses commentaires. Abdelmalek SMARI
« Visitez la plus grande crèche de tout Milan
réalisée entièrement avec du chocolat !
Près l’église des SS. Faustino e Giovit all'Ortica ! »
Une réclame de Noël
Joyeux Noël donc à nos amis qui ont fêté Noël, et bonne année aussi !
A propos de ces fêtes de fin d’année, il faut dire d’abord que l’Italie les fête toutes les deux. Il faut dire aussi qu’il y en a une multitude et chaque fête se distingue des autres par le nom, l’importance, la date, la nature du rite, le comportement (des fêtards), les communautés ou pays qui y sont liés, le marché (eh oui!) qu’elles créent et enfin par d’autres particularités encore que seule une minutieuse observation de type ethno, psycho ou sociologique peut en rendre compte.
Donc ce qui m’intéresse ici ce n’est pas écrire une monographie sur les fêtes chrétiennes mais essayer de présenter en quelque manière à un Berbericus lambda quelques unes de ces fêtes vues d'un œil "étranger".
Personnellement je ne connaissais de ces fêtes que ce que les vacances scolaires, d’hiver ou de printemps, me permettaient de connaître : il n’y avait pour moi que Noël/Bonne année et Pâques.
Les premiers (Noël/Bonne année), c'est la pluie ou la neige, c'est le froid qui s'ensuit, c'est la réunion le soir de toute la famille (nombreuse) autour d'un kanoune ou d'une tabona où ardaient avec joie des morceaux de charbon, les patates qui se laissaient griller sur ces mêmes braises et enfin le répit que nous accordaient l'école et nos maîtres...
De Pâques par contre je me souviens des tendres et lumineuses averses du printemps, des éclaircies d’or et d’azur, des étendues de champs de fleurs et de narcisse, des pique-niques à Kef Salah, de nos premières cigarettes clandestines, de nos interminables bavardages secrets et de nos rêves futurs et lointains…
A travers mes lectures, je ne me souviens pas de m'être arrêté sur le nom de l'une ou de l'autre de ces fêtes si non sur celles dont je suis déjà familier; car pour moi il n'y avait que deux fêtes et elles ne devraient être que deux!
Et puis notre cher taleb français de l'école primaire ne s'était pas arrêté, lui non plus, sur ces fêtes pour nous les présenter et nous les faire connaître!
Ou peut-être l'avait-il fait mais nous n'avions compris que ce que nous avions dans la tête: nouel et Pâques ou plutôt, les jeux du premier et les vacances des secondes.
Et s'il était arrivé à notre taleb, M. Hendricks, de s'absenter pour en fêter quelques unes, la joie de nous libérer de la contrainte de l'école et de nous livrer à la liberté de jeu et de paresse nous aveuglaient et ne nous permettaient pas d'en demander à chaque absence du taleb la raison de son absence.
Enfin il y avait nos deux Aids ; ils, les Rouama, avaient les leurs (deux comme chez nous)! Mais alors le problème qui se posait pour nous, fut : laquelle des deux fêtes correspondait à notre Aid el kebir et laquelle au petit ? « Eux aussi, abattent-ils le mouton, pour eux le porc ? » Probable.
Ou bien le taleb s'abstenait-il de nous parler des mœurs des ses concitoyens de peur de passer pour quelque religieux qui s'adonnait au prosélytisme au lieu de nous enseigner calcul, grammaire et orthographe?
Une vie de cloîtrés, comment en sortir ?
Ce n’est qu’en allant vivre plus tard à Milan que j’ai appris à connaître les grandes fêtes de nos frères en monothéisme, à les distinguer, à savoir en quoi elles consistent, ces fêtes chrétiennes, comment on les célèbre, si elles sont les mêmes pour les différentes villes ou régions d’Italie, si elles sont les mêmes qu’on célèbre en France, par exemple, en Europe, en Amérique et dans tout le monde dit chrétien ou si elles étaient différentes selon les pays et les continents ?
Et je pense qu’une bonne part des Algériens se trouvent aujourd'hui même dans cette confusion. Et ce n’est pas une erreur grave (comme on dit des fautes légères de l’orthographe) car chacun a ses fêtes.
Et nous ne sommes pas tenus donc d’aller savoir tout sur toutes les habitudes et traditions culturelles de tous les peuples qui nous entourent de près ou de loin.
« Pourquoi me dois-je compliquer l’existence ? - peut-on entendre dire - Mes traditions et mes habitudes ne me suffisent-elles déjà plus ? »
Il est peut-être temps pour nous, Algériens, de commencer à sortir de cette vie de cloitrés et s’ouvrir aux autres, à nos semblables différents, car les distances entre les peuples et les cultures de ces peuples sont en train, si non de fusionner, au moins de se rapprocher les unes des autres très intimement et à un rythme aussi ample et rapide que les flux d'internet dans les fibres optiques.
Donc, volens nolens, nous aurons dans un avenir proche la nécessité de faire le compte avec les "affaires" qui ne nous "concernent" pas, de nous mêler des affaires qui ne nous regardent pas. Et alors ou l’on se précipite activement à accueillir et stocker, pour les consommer, ces informations sur les autres, à les connaître, à les respecter et respecter leurs gens, ou bien on nous écarterait du monde civil et on nous cantonnerait dans le coin des mal élevés et des mufles et nous irions mourir, alors, dans la totale indifférence, dans l’archaïsme et dans la désuétude de l’histoire et de la civilisation...
A y bien voir, avec la seconde guerre mondiale, Walt Disney et l'invincible force militaire, économique et de propagande des States, les Américains ont fait de Noël une fête planétaire, tout comme la coca cola. Et ce n'est donc pas un hasard si parmi les habitudes de père Noël les plus fidèles et les plus collées à son image garibaline on trouve la grande la déesse: Sa Majesté la coca-cola...
Fêter quelques fois, c’est sain et c’est indispensable.
Fêter c’est exprimer la joie de vivre, c’est chanter pour la vie comme chantent les oiseaux. Et quel est l’oiseau qui ne chante pas ; d’abord le matin pour accueillir le jour et ensuite le soir, avant de retourner à son nid, à soi, pour contempler les exploits du jour écoulé et espérer en un jour nouveau ?
Fêter devrait être un rite, et c’en est un - ma foi ! - mais ce devrait être un rite gai. Gai comme est la prière des dévots qui prient matin et soir pour fêter la vie et louer le donneur généreux de cette vie même et la joie de la vivre.
Pourquoi devrions-nous faire les vœux, nous qui ne fêtons pas Noël, à ceux qui le fêtent ? Personnellement je ne suis pas italien et encore moins chrétien, mais ça ne m’empêche pas de faire comme les oiseaux : chanter ma joie de vivre et celle de mes semblables, les êtres vivants.
Les pères de Père Noël
Ce fut - écrit Giovanna Gabrielli au “Il fatto quotidiano” du 19-12-10 - "Dickens, l’homme qui inventa Noël. Alias, comme on dit, la mythologie de Noël, avec ses atmosphères de joie, le cliché d’une douceur recueillie autour des flocons de neige, aux branches de houx, à la fumée des marrons chauds, aux chauds internes précieux des maisons. Tout fut déjà dépeint dans la fable "A Christmas Carol", le chant de Noël, que Dickens envoya en librairie le 19 décembre 1843, en édition de luxe, reliée en or et velours rouge et illustrée par le grand John Leech, dessinateur humoristique du magazine satirique Punch."
Si Dickens a donné un aspect particulier à la fête de Noël, Thomas Nast, le père du père Noel que nous connaissons, lui a donné un visage et en a fait le symbole d'une grande tradition culturelle et, ça va de soi, religieuse.
Thomas Nast "... fut un illustrateur et caricaturiste américain très connu du XVIII° siècle: il inventa non seulement les symboles actuels des partis politiques américains - l'éléphant pour les républicains et l'âne pour les démocrates - mais aussi Père Noël gras et barbu que nous connaissons encore aujourd'hui...
En 1860 Nast s'unit aux "Garibaldini" en Sicile et il les suivit jusqu'à Naples... Il dessina toute la campagne pour l' "illustrated London News"; réimprimés aux Usa, ses dessins le rendirent populaire et avec lui Garibaldi."
Et ce sont justement les traits physionomiques du général Garibaldi que Nast avait conférés au personnage de père Noël.
Mais que signifie le mot Noël? Selon Wikipedia, apparu au début du XIIe siècle, Noël est, à l’origine, un attribut qui spécifie l’évènement de la naissance de Jésus Christ. Classiquement, on en fait remonter l’étymologie au mot latin natalis « relatif à la naissance », lequel aurait donné nael en ancien français, (ce terme est maintenu presque tel quel par la langue italienne : Natale).
Il y a cependant des gens qui, comme Daniel Baril, le voudrait grecque : le terme « viendrait plutôt des racines neos « nouveau » et helios « soleil » par l’intermédiaire du gaulois ou du francique ; il s’agit en effet de la fête qui célèbre le retour du soleil après le solstice d’hiver ! »
Il ne faut pas s’étonner de cette hétérodoxie ; car il est de bon ton se réclamer de la grécité, de cette origine de grand et combien raffiné et exclusif prestige !
Comme il est de bon ton aussi souligner le paganisme de ses propres mœurs même si elles ont acquis désormais la piété d’un Saint François d’Assise ou d’une mère Thérèse dite de Calcutta !
On sait que les fêtes religieuses n’avaient pas pour seule origine la religion mais elles s’étendent bien au-delà, dans le brouillard des âges, enfonçant leurs racines dans des fêtes païennes, archaïques, oubliées mais pas complètement mortes.
Et, ayez patience, chers lecteurs, si des gens comme Daniel Baril insistent pour qu'ils nous apprennent cette vérité élémentaire et nous la rappellent !
Noèl et Berbericus
Ce que le mot Noël me fait venir en esprit c'est d'abord un amas de neige qui figurait le tronc d'un petit bonhomme, tronqué de membres (ou ces membres se confondaient avec le tronc), une boule moins grande en représentait la tête, un bout de buchette de la dimension du petit orteil d'un bambin qui épointait au beau milieu de ce que nous pouvons appeler visage, deux petits morceaux de charbon faisaient les yeux.
Quant à la bouche je ne me souviens pas de comment elle était faite: peut-être qu'elle n'y était pas du tout; et ce qui comptait c'était plutôt la gestalt, la silhouette de bonhomme et l'esquisse d'un visage joufflu et gai.
Quelques deux ou trois années plus tard, on avait commencé à le traiter un peu différemment. Après son acceptation presque naturelle, nous voici à le malmener, le pauvre! Nous le sculptions pour le lapider ensuite avec des rafales de boules de neige!
Cet acharnement contre lui était peut-être le signe de notre éloignement, de notre prise des distances, vis à vis de sa figure. Une telle figure devenait chaque année de plus en plus non grata, à répudier, à faire disparaitre, à oublier.
C’était ma tante, une enfant qui avait à peine trois ans plus que moi, qui sculptait cette forme de neige, avec l'aide de mon père parfois. Elle la sculptait au beau milieu d'une espèce de patio protégé par un mur sur lequel on lisait Vive le FLN, A bas l'OAS.
Ces deux slogans tracés avec de la chaux et du charbon restaient à nous faire compagnie longtemps après que eussions chassé définitivement Père Noël de notre environnement physique et de notre imaginaire.
J'entendais une autre tante et mon grand-père aussi qui répondaient à la question "Quand?" avec "Après il bounani!" Je ne savais pas que c'était une fête. Pour moi c'était un simple repère temporel, comme hier, tout à l'heure ou demain...
Plus tard Noël et nouvel an firent fusion dans ma tête et je ne pouvais plus me débarrasser de cette notion juste, incontestable, acquise, bien établie.
Noël alias baba nouel, nouvel an, l'arbre, Pâques, tout ça était devenu des traditions étrangères à moi, à la plupart des Algériens. C’étaient des fêtes des Rouama, des Français..., et alors en quoi devraient-elles nous concerner?! Je ne savais pas qu'il y avait d'autres peuples et d'autres communautés qui les fêtaient de par le monde.
Et je ne savais pas non plus que ces fêtes étaient bien plus distinctes et différentes entre elles les unes des autres. Il y la Toussaint, l’immaculée, Noël, nouvel an/Réveillon, Épiphanie, Pâques et d'autres célébrations régionales et locales à ne pas finir!
Chaque époque invente ses grandeurs et ses misères aussi. Après avoir joui et joué innocemment avec baba nouel, après lui avoir lancé des ambigües boules de neige, après nous en être lassés et de ce jeu et de cette jouissance, après l’avoir tué et enseveli, nous sommes allés l'exhumer pour lui coller quelques unes de nos cochonneries !
En fait plus tard on avait oui dire directement des bouches des "on-dit" que dans les pays de père Noël rien ne va comme le veut la bonne et droite morale du pays de Berbericus.
« Heureusement que nous nous sommes débarrassés de lui à temps! Autrement adieu à nos bonnes mœurs et à nos valeurs authentiques! »
Le délicieux conte des Messieurs "Ouaqila-On-dit"
Les Messieurs "On-dit" ou si vous voulez, les « Ouaqila » - qui nous revenaient chaque année une fois ou deux du pays de père Noël par excellence, les immigrés facansiya -, nous racontaient que la fête du jour de l'an/Noël se déroulait comme suit: d'abord on boit et pas seulement du vin mais de very strong liqueurs aussi.
On mange bien sûr et pas seulement de la chair mais du hallouf surtout et en toutes les sauces. Puis on s'invite entre amis. Et que la compagnie soit mixte, maaza ou atrouss!
Ensuite on se met à danser, à danser et rien que danser, toute la soirée et quand minuit arrive, alors là, c'est la débandade, les gars!
On éteint les lumières et c'est l'apothéose de la confusion. Les couples se défont pour se reformer et c'est de l'échangisme avant le terme. Un échangisme toléré, légitimisé puisque l’on est dans la totale obscurité.
Et qui peut alors distinguer les silhouettes, reconnaître les visages, ne pas "prendre la femme de l'autre" ou même risquer d’incestuer dans cette mêlée, dans cette orgie aveugle, folle et obscure?
Par la force des choses, on ne peut que se tromper. On fait des fautes. L'ami prend la femme de l'ami qui prend celle de l'autre ami qui à son tour prend celle de l'autre jusqu'à boucler la boucle. Et les femmes ? Elles aussi font de même, ça va de soi.
Faut-il s'étonner donc que tous se trompent? Non, pas du tout: puisqu'on est en pleine nuit, la nuit de la faute (l'erreur s'entend), Leilat-el-ghaltah.
Peut-être que nos preux Prométhées de facansiya, exclus par choix ou par contrainte de l'univers de l'intimité de mère France, avaient-ils mal interprété la frénésie de ces fêtes serrées, qui se talonnaient les unes les autres dans un espace et dans un temps si réduits. Et alors ils y voyaient une longue préparation qui devrait aboutir à la nuit de la faute.
Ou - qui sait ? - ayant une très mauvaise connaissance de la culture de l'autre - absence du sens et de la curiosité ethnographiques -, nos éclaireurs de facanciya confondaient les données de la réalité et faisaient une espèce de condensation/déplacement à la freudienne à partir des bribes de connaissances qu’ils croyaient avoir.
En fait ils ne faisaient que projeter leurs grandes et concrètes frustrations sexuelles et économiques, leur besoin de dignité et de reconnaissance, leur désir de savoir...
Nos facansiya ont été amenés à confondre les bals masqués, les carnavals et autres bizarreries personnelles vraies ou imaginées ou inventées par le cinéma ou la tv avec le déroulement tout à fait normal et décent des fêtes aussi importantes comme Noël ou le Réveillon.
Et puis il ne fallait, surtout, pas se laisser contaminer par cette dissolution morale, par cette flagrante bestialité; serait-ce le principe de "tu me veux, je te veux et si tu me rejettes, je te rejette"...
Pourtant c’est simple de décrire ces grandes et fameuses fêtes dites chrétiennes :
- La Toussaint d'abord qui tombe chaque 1er novembre : elle est, comme son nom l’indique, un jour de mémoire de tous les saints. Et des saints dans le monde chrétien, il y en a. Il y en a plus que les jours de l’année !
De cette appellation découle ce qui suit : si tu t’appelles Jean, tu as droit à une petite fête personnelle (une espèce de second anniversaire, religieux celui-ci) qui coïncide avec le jour de mémoire du saint du même nom. On te fait des vœux et peut-être quelque petit cadeau.
Si le nom que tu portes n’as pas encore été "sanctifié" (s'il n'y a pas de saint qui le porte encore), tu auras toujours droit toi aussi à ta fête sanctifiée, à ton second anniversaire, seulement tu dois attendre la Toussaint !
- La fête des morts : le 2 novembre c’est la Journée des morts. Elle a pour fonction : le recueillement sur l’âme des morts. Les vivants ont ce devoir envers leurs morts. A cette occasion on se déplace parfois de loin, juste pour se rendre au cimetière où est inhumée la chère personne défunte pour lui porter des fleurs fraiches et méditer un peu sur la vie et sur la mort.
- La fête de l’immaculée conception, le 08 décembre, est la date de naissance de Marie la Vierge. C'est une fête catholique. Il y a une messe, certes. Mais pour la plupart des Italiens, ceux du nord au moins, elle est bonne surtout parce qu'elle leur procure une journée de vacance où ils peuvent à loisir aller visiter des musées dans les villes lointaines, aller faire des randonnées dans les forêts et dans les monts, aller skier, se reposer ou faire d'autres choses...
- Noël : commence le 24 décembre, le soir car c’est encore un jour ouvrable. C'est une grande fête pour tous les Chrétiens du globe (celui des orthodoxe se fête le 07 janvier).
Il y a la messe de minuit. Les gens y tiennent: il m'est arrivé d'y assister une fois dans ma vie. J'ai vu des communistes, des enfants, des vieillards, des hommes et des femmes bien sûr et même un grand chien! Un chien à écouter la messe de minuit à l'Eglise de Saint Ambroise à Milan avec moi, le musulman, les quelques amis communistes et qui sait ce qu'il y avait encore cette nuit-là dans cette église-là!!
Il y a le dîner de la veille et le déjeuner du 25 décembre. On mange et on boit à la nausée, à la toukhma, car à cette occasion la fièvre de cuisiner s'empare de tous et de toutes !
C'est l'occasion aussi, où l'on bénit les demeures et les famille ; les prêtres sillonnent la ville et la bénissent dar b'dar. Mais cette bénédiction relève du rite ambrosien et seule Milan « en a droit ». Dans le reste de l’Italie c’est Pâques qui se charge de cette bénédiction.
"Natale con i tuoi, Pasqua con chi vuoi"
Ici ce n’est plus la visite des morts mais c'est celle des vivants. C’est très important, personne ne se soustrait à cette khislah hamida de silatou errahimi.
Quelques jours avant Noël, parfois dès le début de novembre les gens commencent à décorer les rues les vitrines, les balcons. On commence à préparer les arbres. Mais un rameau peut en faire l’office.
Et quand il ne reste qu’une ou deux semaines à Noël, on s’attaque aux crèches, qui sont une sorte de maquettes mettant en scène l’ambiance à la veille de la naissance de Jésus Christ.
Il y en a des grandes et des petites, des traditionnelles et des excentriques ou technologiques et on peut les admirer dans les églises, dans les maisons et même dans des galléries d’art !
Il y a des gens (comme les Témoins de Jehova) qui contestent le 24 décembre comme date de naissance). Mais comme il arrive souvent à la race humaine, la vérité est avec le nombre, tant qu’il sera écrasant, c'est sa vérité qui comptera.
Bref, après le dîner long et copieux, après les chauds et tendres bavardages, après la jouissance de cette intimité familiale, le moment d'échanger les cadeaux arrive; un moment qui fait la joie de tous, petits et grands.
Les petits doivent déroger pour une fois à l'habitude (très disciplinée et très rigoureuse) d’aller dormir à 9 heures du soir, au plus tard. Mais ce jour-là ils ont la licence de faire attendre le sommeil et ses habitudes. Et alors ils jouent et ils gazouillent et pleurent et rient jusqu’à l’arrivée des cadeaux. Ces cadeaux sont le fruit d’un choix longuement médité.
On offre des choses utiles, des billets de voyages, des livres surtout, des cd, des vêtements, des chéchias, des bons à dépenser dans les grands magasins…
La tredecisima, le treizième mois, c'est un salaire cadeau(?) de l'employeur. Et il tombe à point nommé pour les gens afin d'obtempérer à l’impératif de s'échanger dons et cadeaux. Un impératif qui, malgré le coût, cultive et renforce le lien familial et social entre les membres de la communauté.
Cette fête va diminuant pour laisser la place, une semaine plus tard, à celle du Réveillon ou nouvel an. Là aussi on mange bien mais cette fois non pas dans l’intimité des familles mais dans l’ambiance non moins chaleureuse de l’amitié…
On danse partout puisque à chaque grande place importante on organise un concert. Et en attendant minuit, on fait le compte à rebours et quand on arrive à zéro, c’est un toast général et bruyant levé à la santé de tous, c'est l’explosion de la joie, des pétards et des feux d’artifice, des vœux, des baisers et des sms...
Toutefois ce qui reste discret, ce qui se dérobe volontiers aux regards de ceux qui ne sont pas de la tradition, c’est que en ce moment-là, il est de bon ton d’avoir des chaussettes et surtout des slips rouges ! Ne m’en demandez pas la raison.
Je peux seulement vous dire que filles et garçons, cette nuit-là, pourraient de bon droit exiger les uns des autres et vice versa de faire voir les slips, pour voir s’ils « respectent » la tradition ; car il ne faut absolument pas enfreindre la loi de mettre pour une telle occasion des slips rouges…
Que reste-t-il après? L’Epiphanie, le 6 janvier, ou la venue de la sorcière la Béfana chevauchant une monture de l’air, un balai. Contrairement à Père Noël, elle porte des confiseries et des bonbons dans une chaussette pour les enfants qui se seraient comportés bien et des gousses d'ail ou du charbon pour les enfant qui s’avèreraient vilains, paresseux ou morveux.
Il reste aussi, un peu plus loin, la fête de Pâques avec sa messe et ses vœux. Mais elle est surtout l'occasion de faire des mini vacances et des voyages à l'étranger et de faire peut-être les premières baignades à la mer.
Cette fête est consacrée à la mémoire du salut de Moïse qui s’était enfui de l’Egypte, à la résurrection de Jésus.
Elle est considérée la plus importante fête chrétienne et elle correspond à notre Achoura.
Dernière remarque : nos fêtes religieuses suivent le calendrier lunaire et elles sont de ce fait nomades et ne cessent de tourner en rond sur l’ellipse de l'étendue des jours et des saisons.
Les fêtes chrétiennes, quant à elles, suivent le calendrier solaire et sont donc caractérisées par une certaine stabilité.
Mais il ne faut pas en conclure quoi que ce soit car il ne devrait y avoir ici aucune place pour des extrapolations d’ordre ethnocentrique…
Enfin, on peut sortir de ces fêtes sans le sou, mais on reste après tout stoïque puisqu'on dépense plus par choix que par contrainte, non comme chez nous, en tout cas…
Smari Abdelmalek