« On dit que la révolution a été celle du peuple. En fait l’expression n’est pas très juste. La révolution a été le fait d’un groupe de militants qui ont dirigé ce peuple. »
Lakhdar Bentobal
Certes il y a eu et il y aura toujours dans les groupes humains une élite (une locomotive) qui montre le chemin aux membres de sa communauté et leur indique les moyens pour entreprendre une telle ou telle action historique. Et en ça, personnellement je n'ai rien à redire sur ce qu’avait affirmé un Révolutionnaire comme Bentobal.
Mais sans la contribution de la majorité du peuple (wagons et rails, fournisseurs de moyens, de canons et de chair à canon) qui assure soutien et relève à ce « groupe de militants qui dirigent le peuple », une révolution - aussi minime soit-elle - resterait à l'état de vœux pieux dans la tête de ses idéateurs, comme la foi d'un impotent nonagénaire.
Pour étayer l'idée que les grandes entreprises historiques sont œuvre des peuples et des nations, je rappelle un autre grand Révolutionnaire algérien, Zighoud Youcef (ou Larbi Ben M'hidi?), qui avait affirmé à ses pairs, ce « groupe de militants qui ont dirigé le peuple », que pour réussir il était impératif de confier la Révolution au peuple en la lui lançant dans son giron.
Et en fait le peuple s’en est occupé d’une manière tragique (par les atrocités de ses sacrifices) et grandiose (par la grandeur de sa responsabilité historique).
L’autre argument pour étayer l’idée que la révolution algérienne était bel et bien une révolution populaire, est que autrement on ne pourrait pas expliquer d’une manière logique et décente (sans tomber dans le ridicule) l’échec (toujours partiel, bien sûr) de la résistance de l’Emir Abdelkader, d’Ahmed bey et les autres insurrections de Bouamama, de Mokrani et des infinis petits soulèvements et actes de résistance locaux qui ont signé la présence coloniale et rendu difficile la vie des colons et impossible les rêves de la France d’anéantir le peuple algérien et de s’approprier de l’Algérie.
Bien entendu, ici on est en train de parler de révolution comme si l’on était tous d’accord sur ce que ce concept ou cette expérience/entreprise historique puissent signifier.
Pour ce qui me concerne, la révolution algérienne est due à tout rêve possible ou impossible, à toute idée, à tout espoir, à tout acte de résistance, à tout sacrifice, à tout effort fournis par tous les Algériens (terre, reliefs, bois, cours d’eau, bêtes et hommes) à partir de 1515, date d’arrivée à Alger de Baba Arroudj, en passant par la nuit coloniale française, jusqu’à la guerre des sables, jusqu’à l’ultime acte de résistance qu’est la guerre aux mercenaires et traitres islamistes de la grande fitna, appelée décennie noire.
Pour moi la révolution algérienne c’est le produit de tous ces cinq siècles qui ont vu les Algériens tomber et se relever, souffrir et guérir, pleurer et rire, espérer et construire, résister et résister et résister… pour vivre… vivre dans la liberté et la dignité.
Vous convenez avec moi qu’une telle entreprise est trop ardue pour être l’œuvre exclusive d’une partie de l’élite de l’élite (ce n’est pas une répétition) d’une seule génération…
Vous convenez avec moi que ça a été l’œuvre INCONTESTABLE de tous les Algériens : mémoire, terre, reliefs, bêtes et hommes).
Abdelmalek Smari