Vues et vécus en Algérie et ailleurs. Forum où au cours des jours et du temps j'essaierai de donner quelque chose de moi en quelques mots qui, j'espère, seront modestes, justes et élégants dans la mesure du possible. Bienvenue donc à qui accède à cet espace et bienvenue à ses commentaires. Abdelmalek SMARI
C’est aussi une mauvaise politique que de croire
pouvoir faire taire la contestation et gagner la confiance
d’une opposition quelconque en lui accordant des faveurs
au détriment de la loi et des autres partis politiques. Cette façon
de faire affaiblit l’Etat de droit et le place en porte-à-faux.
Mohamd Mechati El Watan
Les constitutions ne sont pas des écritures saintes mais elles sont sacrées en tant que représentantes de la sagesse et de la volonté de toute une communauté, en tant que loi fondamentale qui établit et définit le type de rapports entre les individus d’une société donnée et entre celle-ci et les sociétés voisines et lointaines. Car il s’agit toujours de mettre des limites à la tendance expansionniste des égoïsmes individuels et garantir donc à chacun un espace vital où la volonté, la liberté et la dignité individuelles où les intérêts matériels et autres trouvent une réalisation et la personnalité de chacun un épanouissement. Car il s’agit toujours de veiller sur la dignité de l’homme et la justice entre les hommes. Ceux-ci se trouvent dans le monde entier. Et c’est ça le rôle de la constitution. Et c’est pour cela qu’elle est sacrée sans être sainte. Elle reste apte à être modifiée mais jamais dans le sens régressif et dégénératif. Durant l’année 2006 nous avons eu deux expériences, deux tentatives de dénaturer la constitution dans deux pays divers avec pour alibi la bonne ou mauvaise volonté de les rendre meilleures : Italie et Yémen. Dans les deux cas il s’agit plus de Gambizzare (néologisme pour rendre compte d’une malheureuse pratique des brigades rouges c'est-à-dire tirer sur la personne en visant les jambes, avertir en rendant infirme la personne) au lieu de donner un nouveau souffle à la constitution des deux pays. Dans le pays civil la constitution a été toutefois sauvée grâce à la clairvoyance de la majeure partie des citoyens. Dans les second cas de figure, elle n’a pas été sauvée pour la simple raison que la catégorie citoyens n’existe pas. Tout ce qu’il y avait à la place était une sorte de hordes d’anthropoïdes qu’on peut faire d’eux tout ce qu’on veut sauf évidemment des citoyens dignes et conscients de leur état et de l’époque. Ils ne se trouvent là où ils trouvent que pour applaudir le maître et jubiler de joie devant lui et pour lui. En quoi consistait la modification de l’une et l’autre des deux constitutions ? je sais qu’il est trop difficile pour les grands italiens – figurez-vous pour les petits pour ne pas dire insignifiants yéménites – de s’apercevoir dans un bref délai de la nature de la modification, mais les italiens ont eu la chance et assez de temps de s’en enquérir, de la débattre, de réfléchir, de s’organiser, de comprendre de peser le pour et le contre. Tout ça dans un climat de liberté et de lucidité et de sérénité donc et d’honnêteté et de sérieux. Les mass media, les penseurs, la société civile, l’église, les partis politiques, le parlement, le gouvernement, les associations, les échanges de mails entre la majeure partie des citoyens, les sites Internet et les variés Blogs, tous ont pris part à ce grand chantier, à cette grande entreprise de morale et de civisme pour la critiquer, l’enrichir et exposer les raisons du pro ou du contre, pour sensibiliser les autres et surtout pour défendre civilement – il va sans dire -, leur opinion qui souvent s’identifie et s’incarne dans l’objet défendu à savoir la constitution italienne. Quant aux malheureux yéménites, à part la forte ignorance et l’analphabétisme régnants, à part l’exclusion systématique, héritée du système moyenâgeux encore en vigueur auquel s’ajoute – comme si ça ne suffisait pas – le double héritage du vieil et du nouveau colonialisme conjugué à la dictature locale, ils n’ont pas eu l’occasion ni le temps de réaliser ce qui se passait sous leurs nez ! d’ailleurs ont-ils jamais su ce que c’est qu’une constitution ? Mais nous autres, algériens, devons-nous per forza suivre l’exemple du Yémen ? pourquoi pas alors celui de l’Arabie saoudite ? pourquoi devrons-nous ? qu’est-ce qu’il nous oblige ? il ne faut pas faire d’un canal d’irrigation un passage éternellement obligé. Certes on a toujours été une espèce de prolongement, une partie de cet orient projeté en promontoire vers l’occident, vers le Maghreb, pour qui aussi bien Carthage que Rome, aussi bien Constantinople que Paris nous ont snobés. Les grands moments et les authentiques moments ont été pour nous ceux où nous vivions en marge des empires, malgré les quelques avantages qu’on aurait pu en tirer. Je sais qu’il est difficile pour les grands italiens de dépister la mystification, figurons-nous pour les négligeables yéménites pour ne pas dire arriérés. En Italie après le succès du Non, on a parlé de miracle ! ma foi c’en était un, si l’on sait à qui les défenseurs du Non avaient affaire : une force quasi invincible, une machine infernale qui détenait l’information et tenait les italiens en otage. Un miracle que l’éditorialiste de L’unità, Furio Colombo, au lendemain de la victoire du Non a su rendre à ses dimensions naturelles : la mobilisation des italiens autour d’un grand personnage historique Oscar Luigi Scalfaro ex président de la République italienne. Historique, car il avait participé à l’assemblée constituante au lendemain de l’instauration de la république italienne. Personnalité imminente car il est fin connaisseur du droit constitutionnel. Grand et généreux personnage car il continue à mettre à contribution avec lucidité, courage et honnêteté sa longue expérience. Ce grand Monsieur a immédiatement compris les manœuvres d’une Droite peu soucieuse de l’intérêt général de la nation mais trop encline à -gambizzare- neutraliser une constitution juste et équilibrée afin de se garantir la pérennité des intérêts privés. En s’apercevant du péril, il s’est engagé avec force et constance. Il a mené avec abnégation cette mission historique, malgré ses quatre-vingts ans. Il a su être serein et calme dans la tempête des dérisions et … des insultes qui lui pleuvaient sur la tête ! oui les insultes, de la pire espèce, comme celle que Zidane avait essuyées lors de son dernier match de football. La force du vieux et rodé politique a épargné à celui-ci tout geste irresponsable et lui a garanti une issue honorable qui a frôlé le miracle. Il ne s’est pas laissé prendre comme l’inexpérimenté Zidane par l’impulsion ou le prurit de rendre une taille de langue, par un coup de tête. Les italiens, et pas seulement leur ex présidents, savent ce que ça veut dire insulter : ils vous font perdre l’âme. Mais avec un autre italien, ça ne mène pas aux résultats escomptés : lâcher prise. Zidane ne savait pas ce que savait Scalfaro : les insultes sont le fruit d’études et de recherches sérieuses qu’on mène systématiquement dans des crèmes de laboratoires et centres de think-thanks non seulement footballistiques en Italie, mais aussi politique et autres. En somme là où il y a des grands enjeux de gain et de prestige, tous les moyens sont bons et donc justifient la fin recherchée. Mais le football n’est pas tout pour les italiens : au pic de la fièvre du mondial, un responsable de la squadra azzurra, Bassanini, s’en est délesté au profit de montrer sa joie et surtout de rappeler à ses concitoyens et au monde que le réalisme prime le rêve si celui-ci tend à mystifier. Il a oublié pour un moment ses responsabilités footballistiques afin d’exprimer la joie de voir la constitution italienne saine et sauve. Bassanini l’un parmi l’infinité des citoyens italiens lucides et décidés refusa de parler foot quand il fallait parler constitution. A une téléspeakerine payée peut-être pour dévier l’opinion nationale des choses plus importantes, car vitales pour le pays et la nation, il répondit sans l’ombre d’hésitation : « Maintenant, fais-moi penser au triomphe du Non ! » cela veut dire : La constitution avant tout, le divertissement après. Voilà une autre raison pour prendre en examen l’exemple italien et le mettre à notre profit. Une autre raison pour exécrer l’exemple de nos frères et voisins qui nous entourent du Maroc au Yémen. Il est temps d’avoir un peu d’humilité et de se mettre au banc des grandes écoles. Il est temps de snober la médiocrité même si elle nous vient des frères ou des parents. Avec 60% les italiens savent combien de vrais soldats seront à défendre jusque par le sang leur constitution. Le camp des oui n’est pas pour cela exclu de citoyenneté : il s’agit tout simplement pour lui de défendre un point de vue divergent. Il suffit de voir leur comportement quand ils ont compris qu’ils étaient minoritaires : chacun d’eux est allé vaquer à ses besognes. Les plus irréductibles à l’heure qu’il est sont en train de repenser leur stratégie, de se corriger et de se préparer pour d’autres épisodes de la vie politique et de leur vie de citoyens. Avec les presque 100% des oui les yéménites sauront – s’ils ont un grain d’honnêteté – que presque 100% des habitants sauterons de joie et applaudiront au déchirement de leur constitution, à l’envahissement de leur pays et à la destitution de leur rais. L’Algérie ? seuls les résultats en chiffres officiels sauront nous le dire. Un fait reste certain : dans la dignité, un Non honnête vaut mieux que 20 millions de oui hypocrites. Que l'esprit de l'alternance gagne!
Smari Abdelmalek.