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Vues et vécus en Algérie et ailleurs. Forum où au cours des jours et du temps j'essaierai de donner quelque chose de moi en quelques mots qui, j'espère, seront modestes, justes et élégants dans la mesure du possible. Bienvenue donc à qui accède à cet espace et bienvenue à ses commentaires. Abdelmalek SMARI

Homo berbericus et le paradis de l'esprit sain, le ventre plein et les habits propres

Les rédacteurs de la nouvelle Constitution,

qui sera soumise au référendum en novembre

prochain, seraient bien inspirés s’ils fixaient

des garde-fous nécessaires à l’exercice de la

fonction présidentielle. Dans les lois fondamentales

des pays démocratiques, l’équilibre des pouvoirs

c’est aussi des balises imposées à chacun d’entre eux,

afin de prévenir les excès et les dérives.

 

Ali Bahmane in Elwatan du 05/09/06

 

 

De conséquence toutes les sensibilités politiques tous les mouvements culturels et idéologiques qui ne suivaient pas la ligne de conduite imposées par les instances en pouvoir – la plupart s’en fichait réellement comme dans toute forme de politique populiste – venaient écartés et mis hors de l’échiquier de la normalité et de la bonne citoyenneté.

 

Les victimes appartenaient à différentes strates sociales  : les berbères - avec leur culture authentique aussi enracinée dans l’âme de l’Algérie que le sont les magnifiques Jurjura, Aures ou Hoggar - furent contraints à se taire. Les communistes assistaient impuissants à la mise au ban de leur parti. On ne répètera jamais assez que les uns et les autres (un berbère peut être communiste ou islamiste) avaient mis au service de l’Algérie leurs expériences riches et variées et surtout pertinentes en politique comme en culture et civisme. Le parti communiste, malgré l’originalité de ses principes et de ses positions idéologiques avait accepté de mettre à part ses spécificités pour rejoindre la Révolution et œuvrer pour l’indépendance et la construction du pays. L’indépendance reconquise, le même parti fût spolié de ses droits d’activer suivant ses principes et ses idéaux . Même Alger Républicain (et non seulement ce journal), le mythique quotidien de critique sociale et d’éducation des opinions n’avait pas échappé à cette niveleuse idéologique et dut faire ses cliques et ses claques en démissionnant de la scène politique. Alger Républicain où écrivaient jadis quelques grands esprits de l’Algérie, Kateb Yacine, Albert Camus, Jean Sénac et autres encore qui avaient contribué pour des lustres à la formation de la conscience sociale, ce quotidien vint scellé et tué! Les islamistes, cette autre force sociale qui avait fait tant pour sensibiliser le peuple sur la précarité de sa condition de damné de la terre, sur la nécessité de récupérer la dignité donc, ont été condamnés au silence. La junte usurpatrice du pouvoir les avait bâillonnés, suffoqués et neutralisés avec la politique des pénuries, des menaces, d’accusations de complot intérieur et extérieur et les avait donc réduits au silence et contraints les irréductibles à la clandestinité et aux périls de l’exil et de la mort.

 

 

 

On ne doit pas s’étonner de voir exploser plus tard la revanche et la vendetta d’une frange de ces forces sociales longtemps humiliées et réprimées pour faire sombrer l’Algérie dans le bain de sang et de la folie. Ces forces vives toutes fières qu’elles étaient d’avoir battu le système féodo-colonial installé dans le pays par plus d’un siècle d’occupation étrangère, l’égoïsme aveugle d’une poignée de colonels les avait pris en otage et en avait fait de bandits, de hors-la-loi, de criminels, de non citoyens … cette bande de gouvernants les avaient tellement démonisés qu’ils avaient halalisé (de halal), rendu licite et légitime verser et boire leur sang !

 

Comme le mal appelle le mal, la folie de trouver une légitimité et un sens à la folie porta nos condottieri à se montrer braves et honnêtes, bons et vouleurs (de vouloir) de biens au peuple en exhibant un paternalisme et un providentialisme castrateurs et assassins. Ils avaient concocté pour ça un projet de société qui s’était révélé plus tard désastreux pour le pays car il nuisait à notre capacité d’autosuffisance alimentaire entre autres. Il s’agit du fameux projet d’une société socialiste. Projet mal inspiré car il se réclamait des idéaux totalement étranges et étrangers à la culture paysanne des algériens ; projet imposé du haut et par la force coercitive et brutale à un paysage culturel fellah par essence et tradition. Comme s’il voulaient nous faire dormir nos dirigeants avaient entrepris, sans nous consulter ni écouter notre avis, une industrialisation autant effrénée qu’inutile, autant féroce que barbare qui avait dépaysé les fellahs et dérouté des générations d’algériens au lieu de les éduquer à se prendre en charge. Une telle violence et un tel désastre n’auraient pu être possibles s’il n’y avait pas eu une dictature qui savait et pouvait faire de père éternel au peuple rendu impuissant, ignorant et docile. Peuple opportuniste parce qu’entre-temps il avait réappris à ramper à plat ventre pour son Ventre ! Peuple considéré sans désir si non celui de se soumettre et de servir.

 

Le système avait inventé le mot réactionnaire pour lancer l’anathème sur les consciences rebelles. Aveuglé par la soif qu’il avait du pouvoir il oubliait cependant que les fellahs algériens, comme tous les paysans du monde, tenaient solidement à leur terre. N’est-ce pas cet attachement biologique à la terre qui fomenta toutes les insurrections des hommes opprimés à travers les pays et les ages ? ce lien biologique ne se résumait pas à la possession d’une marchandise, d’une chèvre à traire ou d’une pute à arroser sans jamais féconder mais il est bien un attachement sacré d’amour et de respect pour une amante à fertiliser.

 

Le projet socialiste tel qu’il était appliqué en Algérie abruptement et brutalement ne convenait pas aux algériens car il cherchait à les transformer contre leur volonté en une masse hybride de « salariés ». Un salaire de misère d’ailleurs qui leur venait d’une classe de dirigeants qui prétendaient les envoyer au paradis l’esprit sain, le ventre plein et les habits propres. Au lieu de ça comme on aura l’occasion de le vérifier plus tard, il a engendré des conséquences néfastes : un désastre économique, social et culturel-politique duquel on peine encore à sortir. Il avait voulu -et réussi à faire - appliquer ce projet fou par la violence, en dictateur. A-t-on jamais vu des régimes totalitaires et des tyrannies qui acceptent les conseils ou les avis contraires à leur décision ? Ainsi a-t-on pu constater la mort de l’agriculture, l’extinction de l’initiative libre, la génération ou l’éclosion d’une bureaucratie paralysante entre autres ruines sociale, politique, morale et économique. C’était une véritable politique d’intimidation, d’exclusion et d’abrutissement que nos gouvernants exerçaient sur nous. Une véritable folie assumée et consumée – comble !- non sans répression et terreur.

 

« Mais jusqu’à présent tout a bien fonctionné: l’état construit, le peuple instruit, l’économie solidement assise sur des infrastructures industrielles et des richesses naturelles épargnées grâce à la sage politique des nationalisations … le tout n’attend qu’à être revisité pour ressusciter et donner des fruits … ! » – peut-on objecter. Certes, mais qu’a-t-on fait pour construire l’homme ? peut-on se contenter du dressage alors que l’algérien a besoin d’être citoyen éduqué au respect de soi-même et de l’autre ; éduqué à être autosuffisant et autogérant, libre de choisir, capable de dénoncer les injustices et d’obtenir justice, de garantir ses droits, de s’acquitter de ses devoirs avec conscience et responsabilité  ? Non. On avait fait peu de choses pour construire l’homme. On avait par contre opté pour une politique dure, sadique et donc invivable et qui par dessus le marché se voulait providentielle, paternaliste et hyper protectrice.

 

Certes, l’Algérie est désormais un état avec ses institutions, son économie, ses dirigeants, mais elle demeure encore sans citoyens au sens propre. Non, pas encore ! le citoyen est quelqu’un qui admire l’œuvre non pas l’homme ; est quelqu’un qui a accès aux services, qui a une culture de respect égal pour les droits et les devoirs. Le citoyen est celui qui peut organiser sa vie privée et publique en toute liberté, payer les taxes et échapper ainsi au chantage des agents de l’appareil répressif. Etre citoyen c’est savoir valoriser les compétences non pas le degré de parenté avec tel wali, colonel ou haut fonctionnaire ; être citoyen c’est être prêt à revendiquer ses propres droits non pas à prétendre des privilèges ou des égards non mérités. Etre citoyen c’est être instruit et éduqué sérieusement suivant les méthodes et orientations de la vie moderne vers l’amour pour les valeurs de justice, de liberté et de solidarité ; c’est être initié et élevé vers les nobles sentiments d’amour et de respect pour la nature, l’environnement et l’homme avec ce qu’il a de plus beau, de plus sensible et de plus rationnel ; c’est savoir cultiver la paix, la mémoire compréhensive non vengeresse, les principes de la sagesse universelle; c’est être capable de bannir, avec la persuasion pacifique certes et avec la conviction et la lucidité du clairvoyant, tout esprit de clan, de régionalisme ou de confessionnalisme.

 

L’article 6 de notre constitution parle de ce type de formation civique et le pose comme une priorité fondamentale. Il dit textuellement : « - Le peuple est la source de tout pouvoir. La souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple. » Mais si on ne donne pas à ce peuple chéri les moyens, si on ne le prépare pas à l’analyse, à la justice, à la liberté, à la clairvoyance à être responsable donc, comment peut-on lui confier entièrement le sort de notre souveraineté nationale ? à moins qu’il s’agisse ici d’une plaisanterie ou de quelque ronron démentiel.

 

C’est de la formation de citoyens qu’il faut que nos dirigeants actuels s’occupent, non pas à faire comme le berger qui brise sa canne pour oublier qu’il s’ennuie. Nos dirigeants ne doivent pas à chaque fois qu’il y’a quelque problème courir à brouiller les cartes en démolissant l’existant sans l’avoir mis à l’épreuve pour recommencer jusqu’à la nausée toujours le même jeu. Ce faisant ils ne font qu’assigner au pays des coups de frein en lui faisant perdre élan et sérénité toutes les fois qu’il reprend à marcher vers le progrès économique et scientifique, vers l’épanouissement esthétique et moral, vers la justice et la dignité, vers l’amour et la liberté, … notre peuple ne mérite-il pas la paix et la prospérité ?

 

A suivre

 

Smari Abdelmalek

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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