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Vues et vécus en Algérie et ailleurs. Forum où au cours des jours et du temps j'essaierai de donner quelque chose de moi en quelques mots qui, j'espère, seront modestes, justes et élégants dans la mesure du possible. Bienvenue donc à qui accède à cet espace et bienvenue à ses commentaires. Abdelmalek SMARI

Essai sur la littérature - (2)

 

Chers lecteurs, chers éditeurs, après avoir terminé une trilogie politique "DZ - le sens de l’Etat chez les Algériens", je récidive avec ce nouvel ouvrage sur la littérature. Ouvrage en cours de préparation : il sera prêt dans six mois environ. Ce qui suit en est l’introduction.

Bonne lecture à tous. 

Et Bon L’Aïd à nos amis musulmans.

 

Ces écrits auront une raison d’exister tant que les gens continueront à croire dans les valeurs de notre époque et qu’ils (les écrits) indiquent et contemplent. Mais quand viendra au monde une autre race d’individus et de sociétés avec des valeurs nouvelles qui seront étrangères à mes écrits et à mon époque, ce sera cette nouvelle race à penser sa propre sensibilité dans sa propre langue qu’elle aura d’ici là mis au point, et alors mes écrits auront abouti à leur terme.

Cette déroutante inconstance n’est-elle pas le propre de tout art, le propre de la vie ? C’en est justement la constante et c’est ce qui nous rassure devant les épouvantables surprises que nous réservent l’imagination et la créativité. C’est aussi ce qui différencie le génie de la folie. Le génie est recherché et est apprivoisé, la folie est seulement subie et despotique.

Dire la vérité pour les gens sensés signifie soumettre des idées et des impressions, la connaissance en général, à la discussion pour en tirer les enseignements utiles à la vie sereine et pour assurer un tantinet de paix dans notre existence. L’important c’est de n’attendre personne pour s’acquitter de nos devoirs à notre place, car on risque de trop attendre. Et la longue attente sait tuer l’espoir, l’enthousiasme, l’effort et, à la fin du parcours, l’œuvre et le sens de la vie tout court.

Ma méthode est simple ; elle est utilisée par tous les arts et les savoirs de l’être humain. Elle consiste à procéder par recherche, questionnements, comparaison, intuition, suggestion, allusions, synthèse, formulation … tout ça dans le but de cerner l’homme dans son habit culturel, politique et, pourquoi pas, psychologique. Elle consiste à combattre la médiocrité, ce clou d’acier trempé, que la raison sensible - bois tendre - voudrait bien digérer mais elle ne peut pas.

L’absurde est humain. Il est le signe qu’on est lucides, conscients de notre place dans la création, dans la vie. On se sent, par arrogance, Dieu sur la terre régnant sur l’univers, puis notre intelligence, notre lucidité, nous réveille de l’assoupissement d’une telle arrogance, nous redimensionne, nous remet à notre place ; la place d’une feuille appartenant à un rameau qui appartient à un arbre qui à son tour appartient à une forêt. Et quand il arrive que cette feuille se dessèche et tombe morte par terre, elle n’aura même pas le temps de voir les limites de son pouvoir et de sa vie. Elle n’aura même pas le temps de réaliser que le monde qu’elle pensait régir, continuera sa vie, sans même lui demander son avis, sans même s’apercevoir de son absence ou de sa disparition. La littérature, en tant que conscience de notre vie humaine, nous aide à découvrir l’absurde de notre état, à le formuler et à lui chercher une voie d’issue, un remède, du moins une consolation. Dans ce sens l’absurde nous pousse à prendre pleinement conscience de nous-mêmes et de notre condition de mortels, ennuyés, rongés par une angoisse pérenne, condamnés au néant. D’où le rêve, les rêveries, les mythes, l’ironie, la comicité, l’esprit ludique, la ritualisation, le sadisme, le divertissement, voire la folie et autres perversions... « Le berger qui s’ennuie, dit un adage bien de chez nous, rompt son bâton pour le reconstruire. »

L’absurde est donc ignorer cette condition tragique de l’homme ou faire en sorte qu’elle soit une simple vue de l’esprit. En l’absence d’une vie de l’esprit, l’absurde dans une situation, dans un langage, dans une existence, dans un pays, enfante la médiocrité de la vie et la superstition qui tuent les âmes ou, ce qui est pareil, les rendent misérables.

Ma méthode se base sur la critique qui ressemble à une pluie qui peut être insolente, mais qui finit toujours par laver les souillures que les longs jours de torpeur accumulent et déposent sur le goût et dans les esprits.

Pour ce faire, l’homme scribouillard – et pas seulement lui - doit disposer d’une liberté de langage.

Mais cette liberté existe-t-elle vraiment ou bien a-t-on peur que les mots qui nous sortent de la bouche se fassent matière dure et nous cassent la figure, se fassent lames et nous taillent la chair et les veines ? Ces mots sont-ils tellement gravides de désirs insolents et anxiogènes ? Ces mots sont-ils des promesses de satisfaction de nos désirs et risquent donc de créer, dans les cas d’échec, de mortelles frustrations ?

Quant à la liberté des gestes et du corps, il faut en premier lieu batailler pour la ré-avoir, car entretemps la vie en société nous aurait nivelés et uniformisés.

Ensuite ?

Ensuite aurons-nous à notre portée les mots appropriés et suffisants pour poser nos problématiques, les traiter et les dire clairement ?

De toutes les façons sans cette liberté, l’homme serait une bêtise, une aberration de l’existence. La critique est un fertilisant excellent pour la culture et l’esprit. Se contenter de ce qui existe, comme il existe, ce serait de la vile passivité. « Nous vous restituons ce que vous nous avez donné, et vous récoltez ce que vous avez semé dans nos entrailles ! » - disent les femmes des pays misogynes à leurs mâles qui leur reprochent le malheur d’enfanter des femmes.

Misérable maxime, misérable consolation, qui sert peu aux opprimés orphelins d’un langage libre et responsable !

La critique est toujours la critique de quelque chose, quelque part, qui ne va pas bien. Quelque chose comme un lieu commun ou un cliché fabriqué par la camera obscura de la mystification, de l’aliénation, de la bêtise … humaines ; quelque chose qu’on ne doit jamais sous-estimer : il y va de la dignité de l’homme et de la femme. 

C’est en se sentant en crise, avec leurs choses, leurs mœurs et leurs concepts, que les hommes se sentent nus et courent donc à se tâter les parties exposées pour en cacher les plus vergogneuses et se défendre des regards indiscrets et gênants des autres, leurs semblables, pourtant. Et c’est justement avec cette agitation qu’ils réussissent à changer quelque chose au statu quo de leur forfait ou au moins à prendre des positions pas trop obscènes ou trop indécentes. Et c’est à quoi la littérature aspire… pourvu qu’elle ne tombe pas sur l’écueil tranchant et vanifiant de la clichéisation par des généralités et des « ismes », ces particules dangereuses et obscènes, ces queues cacheuses de culs, qui, se posant sur des idées candides et nobles, ne font que créer autour d’elles des vides monstrueux. 

La critique est aussi une entreprise de toute la Cité où toute contribution est bienvenue : il faut toujours être plusieurs pour soulever le moindre poids de la médiocrité et en avoir raison. 

Mes mots valent ce que valent les conseils de Karl Popper et le fruit des moujtahidine de toutes les cultures et de tous les temps : ils sont sujets à la confirmation ou à la macération par la critique, l’évolution des mœurs et des esprits, la désuétude des usages et l’usure des idées, des opinions et des vues.

Je continue donc, tant que je le pourrai encore, dans mon entreprise de brosser un portrait de l’Homme, à travers la littérature, avec ses incohérences, ses contradictions, ses bonnes et mauvaises manières, son originalité, le joug de ses habitudes, ses traditions de peu ou de trop, son bon sens, ses bassesses et ses grandeurs, ses maux et ses douceurs, ses doutes et ses certitudes, son altruisme et ses passions.

Toutefois, faisant cela, je peux être approximatif ; après tout on est toujours un peu amateurs ou inexperts. On est toujours au début de notre carrière tant que la mort n’en bouclera la boucle. Et personnellement je n’ai pas trop à me soucier du fard et du fardeau de soigner une image de marque. Je n’ai pas de clients exigeants à contenter. Je peux donc me permettre cette liberté, non pas parce que je suis oisif ou paresseux, mais parce qu’il faut toujours composer avec le temps et lui donner … le temps, pour qu’il fasse murir en nous les choses et guérir les blessures qui ne manquent jamais dans notre existence. 

Bref, ces écrits ont été produits à travers une espèce de longue et éprouvée gestation : le temps, les essais, les erreurs, les ratures, les corrections, les reformulations, les ajournements...

Parfois la correspondance avec des amis, parfois mon journal, parfois mon blog, surtout celui-ci, ont fait pour moi un laboratoire d’écriture. Et puis il m’a fallu les re-scruter, les réviser, les modifier, les polir, les enrichir, les ordonner, les réélaborer enfin pour leur donner leur forme finale ; tout en ayant bien conscience que l’œuvre est toujours inachevée, dans le sens que si le temps donne du temps à l’auteur, celui-ci n’hésitera pas à continuer de revoir son œuvre même des siècles après. L’œuvre est par sa nature même sisyphéenne.

« N’oublie surtout pas – m’exhortait Alain Hendricks, mon maitre de Primaire, bien des années plus tard, quand je suis devenu écrivain - N’oublie surtout pas, me dit-il, d’exercer ton esprit critique sur mes propositions car, « Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage ». Je viens de constater que chez les écrivains, c’est encore pire : Je t’envoie le lien concernant le travail de Gustave Flaubert sur son roman "Madame Bovary". Il s’agit d’une étude remarquable effectuée par l’Université de Rouen sur les manuscrits complets du roman de Flaubert. Un travail de Titan ! »

Abdelmalek Smari

 

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