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Vues et vécus en Algérie et ailleurs. Forum où au cours des jours et du temps j'essaierai de donner quelque chose de moi en quelques mots qui, j'espère, seront modestes, justes et élégants dans la mesure du possible. Bienvenue donc à qui accède à cet espace et bienvenue à ses commentaires. Abdelmalek SMARI

GENTILLES ALOUETTES (III et fin) Un ouvrage à la recherche d’un EDITEUR

 

« Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. » Montesquieu

 

Pour souffler sur le feu (instrumentaliser l’absence du sens de l’État chez les peuples vaincus), les médias des puissances prédatrices - avec leurs maîtres et leurs régimes – s’acharnent sans aucun répit à accuser nos dirigeants de corruption et de despotisme et même de crimes contre l’humanité ! Un ingrédient majeur pour créer le chaos et ébranler nos sociétés où malheureusement la proportion d’aliénés a le dessus sur les lucides incorruptibles.

Cette aliénabilité, Malek Ben Nabi l’avait appelée la colonisabilité. S’il entendait par ça le long conditionnement de la population algérienne à ne plus croire à la politique, il avait raison. Mais j’ai peur qu’il ait voulu dire que le colonisé, la victime, est à moitié responsable de sa propre condition de colonisé... ce que le colonisateur a tendance à croire pour justifier son crime prédateur, cohérent en cela avec la loi de Thucydide qui établit que la force porte à l’extension.

Mais quelle que soit la faute de la victime, la victime est toujours une victime.

Après tout, l’injustice stupide de l’homme se voit dans la situation la plus injuste : quand un voleur arrache la boucle d’oreille à une jeune fille ou à une vieille femme en lui ensanglantant l’oreille, les spectateurs se rient de la situation et ne condamnent pas le voleur criminel, mais la victime qui a osé arpenter, couvertes d’or, les rues bondées et dangereuses !

« Nous sommes un pays sans mémoire. – écrit Pasolini – C’est-à-dire sans histoire. L’Italie refoule son passé immédiat, le perd dans l’oubli de l’éther de la télévision, n’en garde que les souvenirs, les fragments qui pourraient être utiles pour ses contorsions, pour ses conversions. Mais l’Italie est un pays circulaire, Gattopardèsque [en référence au célèbre roman de di Lampedusa], où tout change pour rester tel qu’il est. Dans lequel tout court pour ne pas vraiment passer. Si l’Italie prenait soin de son histoire, de sa mémoire, elle se rendrait compte que les régimes ne sortent pas de nulle part, ils sont le résultat d’anciens poisons, elle apprendrait que ce pays a la particularité de vivre en grand, mais avec des topes au derrière, que ses vices sont cycliques, se répétant, incarnés par des hommes différents mais avec le même cynisme, la même indifférence envers l’éthique, avec la même allergie à la cohérence, à une tension morale. » 5

J’ai dit plus haut que les puissances prédatrices accusent nos dirigeants de despotisme et d’abus de pouvoir, d’escroquerie et de vol de l’argent public. Bien évidemment, ce ne sont que des slogans tendancieux. Ces puissances ne pardonneront jamais l’effronterie des peuples qu’ils avaient dominés d’avoir reconquis leur indépendance.

Avec une telle calomnie comme prétexte, ces puissances font chanter les gouvernements de ces pays. D’ailleurs elles ne reconnaissent ces gouvernements comme tels, mais elles les appellent Régimes. Le comble – et c’est d’ailleurs pourquoi elles y insistent – est qu’elles réussissent à transformer auprès des masses de nos peuples ces slogans mensongers en réalité. L’on commence par les médias qui insinuent ces insanités morales à l’endroit de nos gouvernants. En second lieu on saisit les cours de justice de ces métropoles même. Puis suivra le manu militari, l’armée des régimes prédateurs. Enfin, en caritas urget, viennent les armées des ONG pour constater le désastre et pleurer ces misérables malchanceux, ces présumés victimes de leurs propres gouvernants ! J’appelle caritas urget ces âmes perverses qui veulent faire du bien quittes à créer ex nihilo le mal. De toutes les façons ils ne guériront pas la misère du monde car ils en ont besoin.

Malheureusement, comme les œufs des moustiques dans les paludes, ces insanités tombent à point nommé pour nos peuples frustrés et aliénés qui ne demandent qu’un bouc émissaire pour se sentir allégés de leur responsabilité (historique et personnelle) envers leur propre destin, souvent fait d’échec et de marasme.

Des siècles de dominations étrangères ont non seulement altérés chez ces pauvres diables du Tiers-monde le sens de l’état mais ils ont semé dans leur psychologie une ignorance et une idiotie presque complètes sur le sens de l’économie. En fait ils ne sont plus en mesure de savoir que pour avoir quelque chose de l’état, il faut lui donner ce quelque chose, car ce n’est qu’alors que le principe de « do ut des » sera valable : le sens de l’état procède de la règle d’échange, donnant-donnant.

Pour le moment l’état campa d’aria, comme disent les Italiens, il vit du vent ! Le citoyen, lui, doit toujours avoir à sucer. Pour lui l’impôt n’est que du vol. Et l’état, qui justement ne donne pas grand-chose car il ne reçoit pas grand-chose, devient corrompu et escroc ! Pour ce citoyen plus ignorant qu’égoïste, les parasites ne sont pas les fraudeurs fiscaux et tous ceux qui profitent des pratiques frauduleuses et criminelles, mais l’état qui réclame ces impôts, pourtant légaux et légitimes. 

La propagande des puissances dominatrices attribuent, en mentant bien sûr, l’argent d’état – les fonds souverains déposés dans leurs banques par les gouvernements du Tiers-monde- aux dits dictateurs. Ainsi leur sera-t-il possible et légitime confisquer ces fonds et s’en approprier. La fortune présumée de l’ex président tunisien Ben Ali, confisquée par le gouvernement suisse en dit long sur cette mystification.

Méditons cet autre exemple de mensonge et de mystification : « La fortune de Riad Salamé – titre le quotidien Le Monde -, l’un des hommes les plus puissants du Liban, intéresse la justice française

Deux plaintes pour blanchiment ont été déposées par des associations contre le gouverneur de la Banque centrale libanaise, qui possède un vaste patrimoine mobilier et immobilier en Europe. » 6

Depuis quand le citoyen d’un pays doit être jugé par un autre pays pour un non-crime ni envers son propre pays ni envers ce pays étranger ?! Ça se voit qu’il y a dessous la tentation de juger et condamner cet homme d’affaire pour lui confisquer sa fortune. Tout est utile pour les régimes de ces puissances prédatrices afin de remplir les caisses de leurs trésors publics.

Le comble est que les puissances prédatrices se présentent comme des forces amies, mais derrière cette façade de hyena ridens, elles considèrent la condition de ces peuples comme des éternels enfants, comme « des races non perfectibles, restées comme des témoins de ce qui se passa aux premiers jours de l’homme ». Elles ne disent pas – sauf en de rares occasions – pour paraphraser Antonio Gramsci, qu’elles veulent piller les pays faibles et y semer le chaos, mais elles prétendent qu’elles veulent les aider, puisqu’ils ne demandent que ça et puisqu’elles sont capables de le faire avec bon cœur et grande générosité !

En effet, que nos sociétés aient de vrais et grands problèmes, personne ne peut le mettre en doute. Mais ces problèmes sont tout d’abord les conséquences directes et naturelles des limites inhérentes aux sociétés humaines à s’organiser et à se tenir cohésives et solidaires. Puis il y a d’autres problèmes qui sont aggravés par les aléas de l’histoire ; une histoire problématique due aux dominations étrangères (les désastres colonialistes des derniers siècles). Enfin ces problèmes tendent à produire des citoyens plus incapables encore, car perturbés dans leurs rapports avec l’histoire, la politique, leurs sociétés et eux-mêmes. Leurs démarches ne s’avèrent donc que des bricolages qui, si elles leur permettent de résoudre quelques problèmes, elles leur créent d’autres encore plus tragiques et plus compliqués.

Que nos sociétés aient donc besoin de l’aide des autres sociétés qui sont plus nanties, plus organisées et plus efficientes, et que leur condition même réclame une telle aide, cela aussi personne ne peut le nier.

Mais pourquoi alors nos sociétés - pourtant nécessiteuses ! – font les fausses orgueilleuses en refusant l’aide dont leur survie même dépend ?

En réalité elles ne refuseraient pas ces aides vitales si elles étaient des aides vraies et pertinentes. Ce qu’elles refusent c’est le semblant d’aide qui n’est qu’un prétexte dans les mains des nations prédatrices pour pouvoir s’ingérer dans leurs affaires et en profiter pour s’enrichir davantage encore à leur dépens.

Et puisque ces situations de fausses aides se révèlent une source de profit, l’idéal pour ces prédateurs serait que cette condition de peuples parasites, toujours nécessiteux, dure dans le temps. Et les sociétés prédatrices justement font en sorte que cela dure, en semant l’anarchie et l’anxiété sciemment et scientifiquement chez leurs victimes… Elles les chaotisent, en somme.

Les exemples de cette chaotisation systématique et persévérante ne manquent pas : il suffit de méditer le sort des pays victimes de ces dits printemps arabes. Toujours le même scenario : un peuple qui souffre, opprimé par un régime criminel, sous le regard indigné des nations civilisées et bonnes. D’où le vol à son secours : au début on informe via les tambours battant des mass médias l’opinion publique et les ONG, ensuite vient la diplomatie qui est l’antichambre de la déclaration de la guerre qui finit par détruire le pays, comme cette tarentule qui ligote sa victime, puis lui injecte son venin qui lui fond les entrailles, enfin le prédateur peut déguster à son aise le cocktail préparé avec art et science.

Donc vu l’urgence et la frénésie avec laquelle ces maudits évènements pleuvaient sur nous, je n’avais pas eu la présence d’esprit de garder toutes les sources de mes témoignages bibliographiques.

Je m’excuse près du lecteur intéressé que je forcerai parfois à aller les chercher par lui-même dans les ténèbres immenses et infranchissables de l’océan des sources et des documents qui les contiennent et qui les signalent.

Le lecteur ne manquera pas de noter dans ces écrits un certain enthousiasme qui part, déjà avec le premier article, fort et fou, mais que l’évolution néfaste des évènements finit par redimensionner d’abord, éteindre ensuite et transformer en déception, en tragédie enfin.

Ce n’est donc là point signe d’incohérence de ces écrits ou de leur auteur, tout ce qu’il y a c’est que le cours de l’histoire a pris ce détour, a fait cette inversion à 180° pour nous conduire – nous autres, damnés de la terre - à l’exact opposé de nos vœux, de notre rêve : de faire de notre espoir un profond désespoir. 

Un dernier mot : je laisse les termes originaux. Et si je les change ou j’en change les connotations, c’est que mes informations auront changé, chemin faisant, et mes convictions aussi, cela va de soi.

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