Vues et vécus en Algérie et ailleurs. Forum où au cours des jours et du temps j'essaierai de donner quelque chose de moi en quelques mots qui, j'espère, seront modestes, justes et élégants dans la mesure du possible. Bienvenue donc à qui accède à cet espace et bienvenue à ses commentaires. Abdelmalek SMARI
Au fil des chapitres de cet ouvrage je tâcherai d’explorer les dynamiques qui régissent les relations entre les nations puissantes, qui s’acharnent à préserver leur suprématie au détriment des nations dominées quittes à utiliser la ruse, le chantage ou la force militaire, et d’autre part, ces nations vaincues qui, elles, cherchent à résister et à émerger.
D’emblée je peux dire que mes analyses m’ont porté à constater que ces rapports semblent reposer non pas sur la force d’un droit juste et valable pour tous les peuples, mais sur la force des uns et la faiblesse des autres. D’où une espèce de partage du monde en bourreaux et victimes avec une certaine complicité entre ces parties antagonistes.
Le lecteur trouvera des articles décrivant des situations et des attitudes mentales qui traversent de part en part ces sociétés antagonistes. Des situations qui illustrent et expliquent mais ne justifient point la faiblesse des faibles et la force des puissants. Le lecteur y trouvera aussi une analyse de l’origine, des manifestations et des dynamiques qui fondent ces situations et ces attitudes ; sachant que la faiblesse des uns détermine et donne son sens à la force des autres et vice versa. Toutefois cela ne veut pas dire que la responsabilité des victimes, dans ces rapports de force cruels entre puissants et faibles, soit égale à celle des bourreaux. Bien qu’elles se comportent comme si elles se complaisaient dans leur condition de dominées, les victimes subissent l’oppression mais jamais elles n’y consentent ; elles cherchent plutôt à s’y opposer quittes à payer un prix cher et douloureux.
Quant aux bourreaux, il est à noter qu’ils ne peuvent vivre en puissants qu’en maltraitant les faibles, et ils cherchent donc cette oppression ou la provoquent au besoin et en usent à dessein et avec science et persévérance. C’est un peu la loi de la nature qui craint le vide. Cette loi que l’historien grec Thucydide avait reformulée et appliquée à l’histoire ou à la vie des nations. Cette loi qui n’est autre que la loi du plus fort, quoi. Cette loi qu’un poète arabe avait formulé plus élégamment en disant qu’est faible celui qui ne vit pas en tyran, en d'autres termes la puissance c'est la tyrannie. Cette loi dont Montesquieu parle en ces termes : « Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. » Cette loi enfin que Reagan a exprimée ouvertement et en a fait la doctrine hégémonique des USA.
Que faire alors ?
D’abord prendre acte et conscience de la cruauté et de l’absurdité d’une telle loi puis en analyser la nature ; et c’est ce que cet ouvrage tend à faire. Ensuite chercher une solution alternative où la force ne devrait plus s’exprimer en domination et oppression mais en entraide et en solidarité et où la faiblesse ne serait plus question de défaite et d’écrasement.
Chaque article pose un problème ou un aspect de problème de cette réalité cruelle et cherche à lui procurer une solution, loin de toute mystification, démagogie ou fatalisme.
Cet ouvrage est inauguré par la défiance qu’il y a entre les citoyens et les gens qui les gouvernent. Généralement, surtout aux pays du tiers-monde, les individus sont convaincus que la force coercitive de l'état ce n’est pas et ne peut être au service du citoyen et que, bien au contraire, elle est là pour réprimer le citoyen. Malheureusement souvent le comportement arbitraire de certaines Autorités incompétentes ou corrompues leur donne raison! Cette culture de défiance envers les autorités de l’état existe dans toutes les nations du monde. Elle est diffuse en Algérie – pays que je connais mieux – où elle a été cultivée d'une manière voulue et intensive par cinq siècles de domination étrangère et entretenue par l’ignorance politique qui en a découlée. A cette hostilité du citoyen, répond une hostilité de l’Autorité, cela est bien évident. En fait cette ignorance politique traverse de part en part notre société, gouvernés et gouvernants.
Malheureusement notre mal à nous ne vient pas de nous-mêmes seulement. Il nous vient d’ailleurs : les pays voisins, qui prétendent nous aider, cachent mal leur dessein de nous voir nous enliser davantage dans nos difficultés. Le problème est qu’une bonne part de nous croit à cette aide factice. Et ce ne sont pas que des gens dépourvus de culture et d’instruction qui y croient : souvent ce sont des intellectuels brillants qui se trouvent emmaillés dans ce genre d’aliénation. Et ce sont eux-mêmes qui, au nom de la démocratie, nous incitent à nous mépriser et à mépriser tout ce qui est nôtre, de la culture à l’histoire, de la langue à la religion, de nos concitoyens à notre état. d'où notre désunion. Voilà pourquoi on est vulnérable, cible indéfendue de tout prédateur… et voilà pourquoi la chaotisation prend chez nous !
Le top de la mystification des prédateurs a été résumé génialement par un fin philosophe de l’histoire et de la politique, Antonio Gramsci, qui dénonçait déjà la grande imposture des colonisateurs classiques. Imposture qui est semblable à celle des néocolonialistes fauteurs desdits printemps arabes : leurs prédécesseurs exportaient la civilisation, eux la démocratie !
Les présumés maîtres de la civilisation et, récemment, de la démocratie ne veulent pas reconnaitre que l’homme indépendamment de sa condition ne veut pas que quelqu’un d’autre contrôle et opprime ses actions et sa pensée.
Peut-on parler de révolution dans le cas de ces révoltes arabes, fruit de l’anarchie interne et de la manipulation des puissances étrangères ? Non, à moins que nous appelions révolution une révolution par procuration ? Non, il ne s’agit pas de révolution, en ce sens que dans l’âme et dans la pratique de ces populations en révolte, de ces révolutionnaires par procuration, il manque encore au moins un siècle de temps pour préparer et mener à bien une vraie révolution. Il leur manque encore une vision historique et géostratégique. Il leur manque encore les instruments épistémologiques et la sérénité méthodologique nécessaires pour s’orienter dans l’histoire et dans les relations internationales. Il leur manque encore une vision unie, une autonomie, un projet social original et clair et des moyens logistiques pour pouvoir réaliser tels programmes, plutôt tels miracles. Enfin il y a trop de divisions et de factions entre ces dits révolutionnaires ; signe de chaos, d’incohérence, d’irresponsabilité, d’inconscience, d’immoralité…
Ces soi-disant révolutionnaires arabes n’ont pas dans leurs têtes des projets fonctionnels à leur volonté de changer leur condition, mais l’image des paysages alpins verdoyants, de ces villes propres et belles des pays riches, de ces visages roses souriants et bien portants avec lesquels la propagande des dominants martèle perpétuellement leurs pauvres consciences privées de toute lucidité critique et de toute capacité de discernement. Propagande destructrice assurée par l’immense pouvoir des médias dont regorgent ces puissances prédatrices comme la télévision, internet, les récits des touristes et des missionnaires laïcs et religieux, les avis desdits experts des différentes O.N.G. Voilà la chose que ces dits révolutionnaires ont en esprit quand ils parlent de changement : une distorsion complète de la réalité !
Il est loin de moi de vouloir justifier par ces écrits la médiocrité politique des gouvernants de ces pays malheureux ni disculper leurs peuples d’être, eux aussi, un peu responsables directs de leur misère civilisationnelle. Non. Je voudrais tout simplement dire que la dictature et les dictateurs ne sont pas l’apanage des peuples du tiers-monde. Bien au contraire, la dictature et les dictateurs existent partout dans le monde. Seulement, la dictature desdits pays démocratiques ne se voit pas parce qu’elle est trop sophistiquée pour apparaitre telle, puisqu’elle est appliquée ailleurs, aux peuples des nations faibles principalement. Si cette infamie politique est appliquée par les dirigeants du tiers-monde sur leurs peuples, elle est dictature à tous les effets. Si par contre, elle est appliquée par les puissances dites démocratiques sur les peuples du tiers-monde et leurs gouvernants, elle n’est que démocratie, liberté, justice et Bien absolu !
Drôle de définition du mot dictature et de son contraire le mot démocratie. C’est plutôt la survivance des âges des cavernes où celui qui est différent et ne fait pas partie de ton espèce est ennemi, et s’il tombe donc entre tes mains il est à ta merci : tu peux l’exploiter, le battre ou t’en débarrasser quand tu veux. Être dictateur serait donc la règle fondatrice de la nature humaine puisque celui qui n’est pas dictateur chez soi, est dictateur à la maison des autres.
Abdelmalek Smari