Vues et vécus en Algérie et ailleurs. Forum où au cours des jours et du temps j'essaierai de donner quelque chose de moi en quelques mots qui, j'espère, seront modestes, justes et élégants dans la mesure du possible. Bienvenue donc à qui accède à cet espace et bienvenue à ses commentaires. Abdelmalek SMARI
Ya-l-meghrebi
Ya khouya,
Rak enta ouana
Khouane
Ya khouya…
Aimer son pays
Cher Farid,
D’abord je vous salue et je vous dis enchanté de votre connaissance et bienvenu dans mon monde, espérant que je serais moi aussi « bienvenu » dans le votre.
Je vous remercie ensuite de m’avoir honoré de votre charmante et sincère lettre. Lettre qui démontre par ses dimensions, son argument, son style, sa langue, sa cohérence, sa franchise et surtout la passion presque furieuse que vous y avez mise… que vous aimez tant votre pays.
Votre roi, votre pays devraient être fiers de vous, de votre patriotisme… je pense, sincèrement, que vous feriez un très bel exemple d’amour de la patrie, pour nous autres Algériens, qui semblons (mais semblons seulement) ne pas aimer la nôtre : je crois qu’il n’y a personne au monde qui n’aime pas son pays…
Et si parfois il se trouve, dans le vaste monde des hommes, quelqu’un qui échappe à cette règle - biologique, donc inviolable car l’homme aime son pays même si on le décortique vivant pour l’en dissuader (souvenons-nous de Ben M’hidi en Algérie) – ce quelqu’un doit avoir quelque problème de déficience mentale ou de sensibilité.
En de ce fait je ne crois pas que les Algériens soient tous des déficients et tellement imbéciles qu’ils haïssent leur pays. Non !
C’est tout simplement impossible.
Toutefois s’ils se trouvent des Algériens qui se comportent en imbéciles et donnent l’image de l’ingrat qui crache sur les mains qui lui ont donné à manger, c’est que - aussi paradoxal que cela puisse paraître – ces Algériens aiment férocement cette Algérie.
Ils l’aiment vraiment car ils savent viscéralement, yaqinan, que c’est un pays cher, payé très cher, après presque cinq siècles de dominations étrangères, turque et française, qui ont failli l’effacer de la face de la terre… jusqu’à ce que « Une poignée d’hommes ont décidé de changer le cours de l’histoire, … » pour citer M. Bouteflika.
Les Algériens savent aussi que si ce n’était par les sacrifices de leurs aïeux (Moudjahidine et Chouhada – et tous les Algériens étaient tels) qui étaient morts et décimés à légions entières, pour libérer l’Algérie, les Algériens n’auraient pas l’opportunité de regagner l’histoire et la dignité humaine.
Oui les Algériens aiment tellement leur pays qu’ils sont jaloux même des gouvernants qui la gouvernent… ergo ?
Je ne crois pas que les Algériens haïssent l’Algérie.
Et si quelqu’un me vient à dire par exemple que les Marocains haïssent leur pays ou leur roi, je ne le croirai pas non plus et jamais.
Idem pour ce qui concerne le patriotisme chez tous les autres peuples de la terre.
Cette conviction, ma conviction, est biologique, inviolable elle aussi, et personne ne pourra jamais m’en dissuader.
Le Sahra Occidental
Croyez-moi, Monsieur, si je vous dis que jusqu’à la lecture de votre lettre je ne me souviens pas avoir pu terminer la lecture d’un texte sur le problème de ce Sahara, objet de votre lettre.
Je ne lisais pas sur la question du Sahara non pas parce que j’étais ou je suis analphabète ou non-lecteur (ceux qui ne me connaissent pas de nom, m’ont toujours surnommé le bouquiniste !), mais tout simplement parce que j’y voyais un problème qui me dépassait… pour ne pas dire une science inutile, si non pour l’Algérie du moins pour moi…
Et si à présent je me suis intéressé à ce sujet, c’est par égard à cette lettre que vous m’avez adressée, à moi personnellement.
Si votre lettre est bien écrite – et elle est effectivement bien écrite -, elle pèche selon moi par quelques données erronées (ces erreurs voulues ou non, vous seul vous le saurez dire) :
Vous y avez mis des numéros (350.000 de morts, 100.000 de disparus) que franchement personne ne pourra en démontrer la véracité.
Vous y avez parlé de ces « 800 morts, majoritairement des Kabyles » comme si les révoltés d’octobre 1988 étaient « majoritairement Kabyles » ou comme si la répression d’octobre 88 était contre les Kabyles !
Vous y avez donné pour argent comptant que l’assassinat des moines de Tibhirine - que dieu les enveloppe dans sa vaste clémence ! - fût l’œuvre non pas des criminels, terroristes à la solde de l’impérialisme et du Capital, mais des gouvernants algériens.
Vous l’avez affirmé alors que jusqu’à ces jours les juges français n’ont pas encore fini de faire leur enquête là-dessus !
La corruption : un mal commun, humain
Vous y avez écrit que les Algériens sont corrompus. En tant qu’Algérien, qui connaît bien les Algériens, je vous confirme votre diagnostic. Et j’en dirais plus encore : nous devons, nous autres Algériens, en avoir honte.
Mais le fait que nous sommes des corrompus, ça n’implique pas que les autres, les Marocains par exemple, soient automatiquement des non-corrompus, non !
Mais entre nous, qu’en est-il des Marocains ?
Personnellement j’ai eu l’opportunité (avec ma femme qui est italienne) de voir dernièrement sept grandes villes du Maroc, y comprises Rabat et Casa, et j’ai même tenu un journal où j’avais noté les points positifs et ceux négatifs de mes frères marocains (vous êtes nos frères de toute façon, comme le dit cette petite chanson populaire de ma région, citée au frontispice).
Puisque c’est l’occasion je vais vous dire un côté lumineux et quelques lourdes ténèbres.
A voir les gens comment ils travaillent et ils se débrouillent pour gagner leur pain quotidien, j’avais noté sur mon carnet ces propos :
« Si quelque Puissance prédatrice décrète un embargo sur le Maroc, les Marocains n’en mourraient pas et ne se rendront donc jamais. »
« Hélas ! » ai-je soupiré, après avoir considéré les points sombres de ce même peuple :
« C’est un peuple qui, malgré son ingéniosité, reste sale, égoïste, un peu analphabète, un peu soumis et surtout CORROMPU. »
Et franchement je le croyais un peu mieux que le peuple algérien ! et j’ai conclu avec cette consolation légendaire : « Koullouna fil hawa sawa ! »
Bien sûr si j’ai usé le mot peuple, je n’entends pas dire que j’accuse les Marocains ou les Algériens d’être tous sales, tous misérables et tous corrompus… il y a de braves gens.
Mais dire que seuls les Algériens sont corrompus (comme vous avez affirmé dans votre lettre)… c’est un peu forcé comme analyse ou comme diagnostic.
Enfin, à lire vos références aux Américains du type Madame Lavinia Limon et autres, je me suis dit : « Tiens, tiens, c’est une langue faite du même bois qu’usent (et en abusent) certains journalistes algériens d’El Watan entre autres quand ils parlent du Maroc ! »
Vous avez compris que je n’aime pas ce genre de langue… de bois.
Sincèrement.
Abdelmalek Smari